Saints, roi, reines... Des mots bannis par la Révolution
Le 16 octobre 1793 (25 vendemiaire an II du calendrier révolutionnaire), la Convention entérine le changement de noms de nombreuses communes depuis 1789 et elle "invite", ou plutôt elle oblige celles qui ne l'avaient pas fait à effacer toute trace de l'ancien régime dans leur nom. Elles sont 3000 à le faire soit 2 % du nombre de communes de l'époque (toutes neuves, d'ailleurs, puisque née en 1792). Sont bannis les mots : roi, reine, Comte, dauphin (le titre du fils ainé du roi), château, saint, sainte, chapelle, église, abbé, évêque ou encore moine. Autant dire que de nombreux endroits sont concernés.
On change tout ou partie du nom dès qu'un mot banni apparaît.
Saint Malo devient Port-Malo pendant la Révolution Française / Photo choisie par monsieurdefrance.com s4visuals via depositphotos.
Certains noms sont carrément remplacés comme Sainte Lizaigne qui devient vin-bon (un bonne occasion de faire de la pub au produit local après tout !) et c'est pareil pour Saint Peray qui devient Peray Vin Blanc. Saint Symphorien, près de Tours, devient la réunion du nord. D'autres sont juste modifiés en partie. Par exemple en Bretagne, Saint Malo devient Port-Malo et Saint Brieuc devient Port Brieuc. Ailleurs, Sainte Feyre devient Feyre la Montagne. Saint Restitut devient Restitut la Montagne, Saint Paul Lès Roman devient Paul la joyeuse et Saint Vrain devient Vrain la fertilité. On vire le titre de noblesse et on met le peuple à l'honneur comme quand Fontenay le Comte devient Fontenay le Peuple. Plus rarement on simplifie : ainsi Saint Eloi qui devient ... Loi.
On célèbre la Révolution et ses valeurs
Parfois la Révolution imprime fortement sa marque comme quand Sainte Croix du Verdon devient Peiron-les-sans-culottes. De même pour Ham les Moines qui devient Ham les sans culottes ou Dolus d'Oléron qui devient sans-culottes. Saint-Bonnet-Elvert est transformé en Liberté Bonnet rouge (comme celui des révolutionnaires). Saint-Jacques-en-Valgodemard devient Jacques Républicain. On prend des valeurs jugées révolutionnaire qu'on fait remplacer des noms anciens comme quand Saint-Léger-sous-Margerie devient égalité bonne nouvelle. La Couarde sur Mer devient la Fraternité. De même pour Saint Chamant. Saint-Martin-la-Méanne est appelée Jacobin la Méanne avant de devenir Martin sans culotte. Soubise devient carrément la Régénération. Harcourt hérite du nom Champ-social. On célèbre aussi l'époque de la République romaine considérée comme une référence et Saint-Remy-de-Provence devient Glanum.
Des personnalités révolutionnaires aussi.
Jean Paul MARAT est assassiné par Charlotte CORDAY en 1793. De nombreux lieux sont nommés en son honneur dans les mois qui suivent. Illustration choisie par monsieurdefrance.com : Tableau de Jaques Louis DAVID via Google Art & Culture: upload by user FDRMRZUSA.Web Gallery of Art, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=112018
On célèbre des révolutionnaires comme quand Château-Porcien devient Marat sur Aisne pour commémorer la mort du révolutionnaire Jean Paul MARAT (1743-1793), de même pour Saint-Hilaire-de-Gondilly qui devient Marat. Même le Havren le grand port normand, devient le Havre Marat. Ferney devient Ferney-Voltaire en mémoire du philosophe Voltaire qui y a longtemps vécu.
On traque même les sons contre-révolutionnaires
Le mot "roi" est particulièrement chassé. Ainsi Dun-le-roi devient Dun-Libre. Même le son "roi" est banni comme lorsque Rocroi devient Roc-libre. De même, Bourg-la-reine devient Bourg l'égalité.
Les plus grandes villes changent de nom.
Versailles est débaptisée en 1793 et devient "berceau de la Liberté". Photo choisie par monsieurdefrance.com : shutterstock.
Versailles, ville des rois par excellence devient Berceau de la Liberté. Marseille, pas chaude pour la Révolution à un moment, est littéralement débaptisée et elle est appelée "Sans nom" pendant quelques années. C'est la même chose pour Lyon, pas assez révolutionnaire, qui commence d'ailleurs la liste des changement de nom le 12 octobre 1793 en s'appelant "Ville Affranchie".
Certains lieux sont tellement emblématique que c'est depuis Paris qu'on décide de changer leur nom. Le Mont-Saint-Michel se voit rebaptiser "Mont Michel" puis "Mont Libre", ce qui est assez cocasse quand on sait que la Révolution Française reprend l'idée de Louis XI et en fait une prison (les prisonniers sont enfermés dans l'église, qui porte toujours les traces des grilles installées pour cela).
Le retour des anciens noms
Après la Révolution, 90 % des lieux retrouvent leur nom originel, mais 274 irréductibles conservent leur nom révolutionnaire jusqu'au retour de la monarchie et l'obligation qui leur est faite de le faire par le roi Louis XVIII (1755-1824). Certaines, toutefois, ne reviendront jamais en arrière pour plusieurs raisons.
Louis XVIII abolit les noms de lieux révolutionnaires à son arrivée au pouvoir en 1814. Seuls quelques uns demeureront. Illustration choisie par monsieurdefrance.Com :
Et aujourd'hui 86 communes portent toujours leur nom révolutionnaire
Par exemple, dans l'Ain, Ferney, rebaptisée Ferney-Voltaire en 1793, en hommage à Voltaire, le philosophe, qui y avait son château, a conservé ce nom. Dans l'Aube, Pont-sur-Seine n'est pas redevenue Pont-le-roi. Dans le Cher, Dun-le-roi est restée Dun-sur-Auron. En Haute-Loire, Saint-Just-près-Chomelis est restée Bellevue-la-Montagne.
Certains noms révolutionnaires sont restés parce qu'ils étaient plus pratiques
Il faut dire que certains lieux sont devenus plus faciles à dire et on comprend qu'ils aient souhaité garder le nom révolutionnaire, plus court. Par exemple, en Gironde, Saint-Jean-de-Kyrié-Éleyson est restée L'Union et Saint-Sabin-d'Escanecrabe est restée Escanecrabe (c'est déjà assez long à dire !). En Lozère, Saint-Martin-de-Campselade est restée Bassurels. On a parfois juste tronqué une partie du nom à la Révolution et c'est resté parce que c'était plus pratique. Ainsi, en Haute-Loire, Sainte Pompogne est restée Pompogne tout court. De même pour Saint-Louet-Sur-Lozon est restée Lozon.
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