Clémentine Delait : une femme comme les autres
Née en 1865, à Chamouzey près d'Epinal, Clémentine Clattaux aide longtemps ses parents aux travaux des champs. Elle devient Clémentine Delait en épousant Joseph Delait le 27 avril 1885. Elle a 20 ans et elle s'installe avec son mari, boulanger, à Thaon les Vosges. Les soucis de santé de son mari (des rhumatismes) obligent le couple à arrêter la boulangerie. Pour avoir une situation, les Delait ouvrent un café à Thaon. Un couple sympa, une femme amusante et qui a la répartie nécéssaire pour calmer les clients, parfois turbulents, Il faut dire qu'en plus d'être forte en gueule, Clémentine est bien charpentée et qu'il ne faut pas trop la chercher. Avec une bonne ambiance, le café devient assez populaire. D'autant que Clémentine a un truc en plus...
L'hypertrichose de Clémentine
La femme à barbe. Photo choisie par monsieurdefrance.com Par Scherr — https://wellcomeimages.org/indexplus/image/V0048557ER.html, CC BY 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=33733688
Très jeune, Clémentine affiche une pilosité importante. Elle est même connue pour être une des rares femmes qui se rasent. Cette barbe rasée est d'ailleurs un objet de curiosité pour les clientes de la boulangerie. En fait, Clémentine est atteinte de hypertrichose. Ce dérèglement hormonal entraine la pousse de la barbe chez les femmes. Ceci dit, comme elle se rase, personne ne sait si elle serait vraiment barbue autrement. C'est une visite à Nancy et la remarque d'un client qui va tout changer et, par la même occasion, changer la vie de Clémentine.
Clementine Delait femme à barbe suite à un pari
Quelques années après son pari, Clémentine, toujours elégante, est célèbre : photo choisie par monsieurdefrance.com via limédia.fr
En 1901, Clémentine a 36 ans quand elle visite la célèbre foire de Nancy. Dans cette foire, en plus des commerçants et des manèges, l'époque veut qu'on montre des "curiosités humaines". Une femme à barbe épate la foule lorraine et Clémentine qui raconte sa vadrouille à Nancy à son retour au comptoir de son café de Thaon les Vosges quelques jours plus tard. C'est alors qu'un client lui lance un pari : il lui donnera 500 francs (une belle somme à l'époque) pour qu'elle arrête de se raser et qu'on sache quelle forme et quelle taille pourrait avoir sa barbe si elle cessait de se raser. Pari tenu ! Et la barbe pousse...
Une belle barbe noire et frisée.
Très vite, la barbe de Clementine pousse et elle déroule plusieurs beaux centimètres de poils frisés. Elle a une drôle d'allure avec ses longues robes (elles est très coquette) son chignon impeccablement serré et cette barbe qui la rend, du coup, très célèbre.
Clémentine devant son café de Thaon les Vosges.
Clémentine Delait, la célèbre femme à barbe
Devenue très célèbre, Clémentine est très souvent sollicitée par les photographes de l'époque qui la paient pour faire des photos d'elle qu'ils vendent sur les foires ou dans la presse. Elle est toujours très bien habillée et elle aime être accompagnée de son perroquet sur les clichés. Le "café de la femme à barbe" est plein à craquer tous les jours, elle y signe des autographes, y compris dans la rue. La barbe étant considérée comme l'attribut exclusif des hommes, la femme à barbe obtient la permission officielle des autorités de garder cette barbe typiquement masculine alors qu'il est interdit aux femmes de porter des tenues d'hommes.
Clémentine, toujours très élégante, a aussi le sens du markéting. Elle trouve toujorus des poses ou des manières originales d'être prise en photo comme ici devant un avion. Photo choisie par monsieurdefrance.com : Par Homeyer et Ehret (Epinal). Imprimeur — Limédia galeries, CC0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=115956522
Clémentine est très sollicitée, notamment chez les Grands, ceux qui sont de passage dans les Vosges, comme le Shah de Perse qui séjourne à Vittel en 1920 ou qui l'invitent comme le Prince de Galles, qu'elle rencontre à Londres, Elle a toutefois ses limites. Autant elle veut bien profiter de sa notoriété, autant elle ne veut pas qu'on abuse d'elle et c'est tout naturellement qu'elle refuse les propositions du célèbre Phinéas Barnum, patron du cirque américain du même nom, et qui est célèbre dans le monde entier. La somme proposée par Barnum est énorme : plusieurs millions de francs de l'époque, mais Clémentine ne veut pas être exhibée comme un animal de foire, et elle connait la façon qu'a Barnum de traiter les "curiosités humaines" qu'il produit dans son spectacle. Elle refuse donc tout net la proposition. Il faut dire qu'elle n'a pas besoin d'aller au devant du public, le public vient vers elle depuis toute l'Europe dans son café vosgien.
Une bonne femme à barbe
Clémentine Delait a beaucoup de qualités humaines. Elle a de l'humour, de la répartie, elle sait être généreuse, comme quand elle adopte une orpheline de guerre agée de 5 ans après la Première Guerre Mondiale. Elle va d'ailleurs plusieurs fois sur le front, en 1914-1918. Les tranchées ne sont pas très loin de chez elle, pour encourager les "poilus", les soldats français des tranchées. Elle est aimée par la troupe qui apprécie son art de ne pas se prendre au sérieux.
La femme à Barbe en 1914. image choisie par monsieurdefrance.com : cliché Homeyer et Ehret (Epinal). Imprimeur — Limédia galeries, CC0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=116144093
Clémentine Delait est morte le 19 avril 1939 à Epinal. Sur sa tombe, à Thaon les Vosges, on peut lire "ci git Clémentine Delait : la femme à barbe".