Le bleu, le blanc... Les couleurs changent longtemps
L'idée d'un drapeau national est une idée qui est née avec le concept de nation, c'est à dire à partir du 18e siècle. Auparavant, les couleurs du roi sont souvent confondues avec celles de la France. Et ces couleurs changent. Quand le roi part en guerre, il fait sortir "l'oriflamme de Saint Denis" de l'abbaye royale de Saint Denis près de Paris, de couleur rouge.
Saint Denis remettant l'oriflamme / Par G.Garitan — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=37212358
Le roi de France a aussi ses propres symboles, à savoir les fleurs de lys d'or sur fond azur. Ce sont elles qui sont représentées sur son blason, sur son costume de sacre, sur la livrée de ses gardes. Mais le blanc est aussi l'emblème du roi au moins depuis Henri IV. Et les navires français affichent un drapeau blanc, couleur de la monarchie et couleur de la France, pendant plus de deux siècles, jusqu'en 1790. Ce qui va tout changer, c'est la Révolution Française.
Les fleurs de lys d'or sur fond d'azur, blason des rois de France / Armorial dit "de la Planche" 1669.
La Révolution Française apporte les trois couleurs
En juillet 1789, au lendemain de la Prise de la Bastille, le peuple de Paris porte différentes cocardes. Certains portent une cocarde verte, d'autre une cocarde blanche, les gardes françaises, très populaires puisqu'elles seraient entrées les premières dans la bastille, portent une tenue bleu blanc et rouge. les couleurs les plus portées sont le bleu et le rouge, les couleurs traditionnelles de la ville de Paris. Certains y ajoutent le blanc, symbole du royaume, comme le fait la Fayette, très populaire et chef de la Garde Nationale, qui arbore une cocarde bleu, blanc, rouge. Ces trois couleurs s'imposent comme les couleurs de la Révolution.
Première mention officielle des trois couleurs le 20 mars 1790
Un décret de l'Assemblée Nationale, du 20 mars 1790, consacre une première fois les trois couleurs puisqu'il est fait obligation que "lorsque les officiers municipaux seront en fonction, ils porteront pour marque distinctive une echarpe aux trois couleurs de la nation : bleu, rouge et blanc". Notez au passage que l'ordre n'est pas défini comme celui que nous connaissons aujourd'hui. On les voit également le 14 juillet 1790, première fête nationale de l'Histoire, lors de la Fête de la Fédération qui rassemble les délégués de toutes les provinces à Paris auprès du roi et de la reine pour une immense fête sur le champs de Mars.
La fête de la fédération, première fête nationale de l'histoire de France / Gravure d'époque.
Et création du premier pavillon de marine
Le 20 octobre 1790, alors que le drapeau blanc est toujours le drapeau maritime français, Henri de Virieu propose que le blanc de Henri IV soit adjoint un espace bleu blanc rouge pour "qu'à la couleur qui fut celle du panache d'Henri IV se joignît celle de la liberté reconquise". Le 24 octobre, l'Assemblée Nationale valide un carton rouge blanc bleu sur les drapeaux de marine blancs.
1er pavillon national bleu blanc rouge porté par l'Achille (à gauche) et "le vengeur du Peuple" (à droite) dans ce tableau qui représente la bataille de Prairial An II contre le H.M.S Brunswick / Tableau de Nicolas Pocok (1740 - 1821) National Maritime Museeum).
1794 : naissance du drapeau bleu blanc rouge.
Quand la Révolution Française prend un tour plus mouvementé, ce sont ces trois couleurs qu'on oblige Louis XVI a porter lors de la premiere prise des tuileries le 17 juin 1792. On force le roi à coiffer le bonnet phrygien, le bonnet révolutionnaire, sur lequel se trouve la cocarde bleu, blanc, rouge, et il doit boire "à la santé du Peuple". Définitivement, les trois couleurs sont les couleurs de la Révolution Française. Elles deviendront celles de la République.
1792 Louis XVI boit à la santé du Peuple et arbore, bien forcé, le bonnet phrygien et la cocarde bleu blanc rouge.
En 1794, alors que la France est devenue une république, on charge le peintre Jacques Louis DAVID (1748 - 1825) de proposer un nouveau modèle de drapeau pour la Marine. C'est lui propose de commencer par le bleu. Quelques mois plus tard, le drapeau bleu blanc rouge est adopté comme "le drapeau de la Nation". Il le restera pendant l'Empire.
Chassé par la monarchie de retour.
De retour en 1815, la monarchie abolit aussitôt les trois couleurs et rétablit le blanc, couleur du roi. Les tenues militaires, souvent bleu blanc rouge, sont changées pour le blanc uniquement. Cela dure 15 ans et s'achève avec la Révolution de juillet 1830 qui chasse Charles X du pouvoir et installe Louis-Philippe, son cousin, à sa place. Louis-Philippe, qui s'est engagé aux débuts de la Révolution Française, reprend les trois couleurs dans un soucis de concorde nationale. C'est lui qui ajoute le coq comme emblème du pays. Ces trois couleurs accompagnent de nouveau la France. Elles ont failli disparaître en 1848.
Louis Philippe 1er, roi des Français, par Winterhalter (1841).
Deux choix qui ont décidé des couleurs du drapeau national.
"La Liberté Guidant le Peuple" / Par Delacroix (1830).
En 1848 la chute de la monarchie de juillet, et alors que la République est rétablie, la question du drapeau se pose de nouveau. Pour certains révolutionnaires, comme le bleu, blanc, rouge a accompagné la monarchie de juillet, il ne peut être emblématique de la toute neuve 2nde République. Ils souhaitent le remplacer par le drapeau rouge, plus révolutionnaire. C'est le poète Lamartine qui emporte la discussion et impose le maintien du drapeau tricolore en disant "le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la Patrie". Il est conservé par Napoléon III qui ajoute l'aigle comme symbole impérial. En 1873, 2 ans après la terrible défaite de la France contre la toute nouvelle Allemagne, se pose une nouvelle fois la question de la restauration de la monarchie. Les députés monarchistes sont majoritaires à l'Assemblée Nationale et on propose donc la Couronne au Comte de Chambord, descendant de Louis XV. On est a deux doigts d'abolir la République quand le comte de Chambord annonce qu'il ne prendra pas les trois couleurs comme drapeau national. C'est contre ses convictions. Si on maintient les trois couleurs il refuse d'être roi. Impossible pour les députés de l'époque. Les trois couleurs sont conservées et la République, fraiche de 2 ans, est continuée. Le drapeau bleu blanc rouge n'a plus cessé de nous accompagner.
En 1914, Joffre décore le drapeau tricolore d'un régiment.
Les règles et les usages pour le drapeau français
Il est officiellement le drapeau de la République Française dans la Constitution de la Ve République. Il est constitué de 30 % de bleu, de 33 % de blanc et de 37 % de rouge. Le bleu a évolué au fil du temps. Plus clair à la Révolution Française, plus foncé sous l'Empire, éclairci en 1974 par le Président Valery Giscard d'Estaing qui le trouvait trop martial, il est désormais revenu à la couleur bleu plus foncée. Il figure sur l'ensemble des bâtiments publics, souvent aux côtés du drapeau européen. Il est disposé près du Président de la République lors des allocutions officielles et depuis 2007 il est derrière le Perchoir de l'Assemblée Nationale. Depuis 2003, l'outrage au drapeau et à l'hymne national est puni par la Loi.
Le drapeau national au fronton d'une mairie de France / Image par JackieLou DL de Pixabay
L'usage des trois couleurs
Héritage de la Révolution Française, Les trois couleurs sont également toujours celles des élus. Elles figurent sur les écharpes des maires (équipées d'un gland d'or), des adjoints au maire (équipées d'un gland d'argent) mais aussi des députés et des sénateurs. Elle se porte de l'épaule gauche vers la droite. Le bleu près du col pour les élus locaux, le rouge près du col pour les élus nationaux. Les commissaires de police et les officiers de police judiciaire peuvent également porter l'écharpe dans certaines occasions.
Une citation résume bien l'histoire de ce drapeau qui a accompagné tant de moments de l'histoire de France. Elle est d'Edmond Rostand (l'auteur de Cyrano de Bergerac) et la voici :
- Plein de sang dans le bas et de ciel dans le haut,
- Puisque le bas trempa dans une horreur féconde,
- Et que le haut baigna dans les espoirs du monde...