C'est où Grignan ?
C’est le bleu d’un fleuve de lavande qui bat le rocher de Grignan sous le soleil doux quand commence l’été du Sud de la France. Grignan, dans la Drôme provençale. Un nom qui rappelle qu’ici se trouve une enclave de Provence en terre de dauphiné et pas si loin du massif central. Une promesse de Provence donc. Promesse tenue d’ailleurs tant on trouve ici tout ce qui fait le bonheur de vivre dans le sud joyeux. Tout y est. Le soleil, les couleurs, les odeurs... Grignan c’est 1500 habitants, pas beaucoup non ? Du coup, pas sûr que vous visualisiez. Laissez-moi vous décrire ce que j’ai vu.
Grignan : Photo par JFFotografie/Shutterstock
Une sorte d'île sur un océan de lavande
C'est une ville comme une pyramide. On la dirait née dans l’imaginaire d’un conte de Charles Perrault ou d’un bon Disney. Tout en haut la ville est couronnée par l’un des plus beau château de France. Un château c’est peu dire. Un palais plutôt. Le « Versailles du sud » c’est son surnom et il est carrément suspendu dans le ciel au-dessus des oliviers et des champs de vigne. Pour y parvenir faites comme moi et pourtant croyez moi je ne suis pas sportif. Vous laissez la voiture en bas. Et vous remontez la ville à la force des mollets plutôt qu’à coup de leviers de vitesse. C’est un vrai bonheur de prendre son temps pour avancer, découvrir telle ou telle maison et même se perdre dans un véritable dédale jusqu’à la porte tricot et enfin jusqu’au château.
Photo by Léonard Cotte on Unsplash
La marquise de Sévigné et ses lettres
Ce trajet là le courrier de paris l’a fait avant vous des centaines de fois, à la fin du XVIIe siècle, pour acheminer à qui de droit les lettres de la Marquise de Sévigné. C’est d’ailleurs ici, à Grignan, que repose depuis plus de trois siècle la femme qui a écrit la plus belle correspondance en Français du monde. En redescendant les rues pentues vous découvrez les trésors culinaires de ce joli coin de France : Des olives noires ou vertes, les vins de la drôme et surtout l’or noir du pays, les fameuses truffes.
Quand vous arrivez en bas, posez vous. Là. Au pied de la cité. Regardez la surgir au loin comme je l’ai fait, ressentez ce souffle de vent qui arrive derrière vous, vous caline le cou et repart tout droit faire frissonner le bleu des champs de lavande avant de remonter vers un ciel « bleu de Provence » en plein cœur de la Drôme.
Grignan : Photo Jérôme Prod'homme (c) Monsieur de France
Histoire de Grignan
Un château sur un piton rocheux
On dit que le nom "Grignan" viendrait du latin "gratius" qui veut dire "qui a de la grâce. Après tout, ça n'est pas étonnant. Il suffit d'arriver à Grignan et de voir la petite cité émerger des champs de lavande ou de la voir grandir au détour d'un virage, pour se dire qu'il est difficile de trouver un lieu plus gracieux. Le bourg est probablement né en même temps que le château, au détour de l'An 1000. Il est, en tout cas, cité dès l'an 1105. C'est logique un château ici. Un piton rocheux qui permet de voir loin et voir loin, c'est voir les ennuis arriver et se préparer à les affronter. Remarquez, ça ne marche pas que pour le militaire d'ailleurs, dans la vie ça peut aider aussi de voir les ennuis arriver de loin non ? Un château donc, pour se réfugier en cas de danger, et comme il y a toujours du monde dans un château, au pied, on trouve le commerce et de quoi fournir à tout ce monde-là. Ainsi, donc est née Grignan.
Victor CASSIEN / Album du Dauphiné - tome IV, litographie de Grignan, Drome
Et une terre de Provence
Aux mauvaises langues qui pourraient penser que ce nom de Provence est un peu usurpé parce qu'ils situent la Provence plus loin, les archives parlent pour Grignan : les seigneurs de Grignan rendent hommage aux rois de Provence en l'an 843. De même, les barons de Grignan font hommage aux comtes de Provence en l'an 1257. Ils avaient donc l'accent du sud les Adhémar, descendants de Hugues Adhémar, né en l'an 1045 et fondateur d'une dynastie qui a fait de Grignan le siège d'un comté en 1557 et bâti le magnifique château de pierres blanches. Un château qui a suivi la famille et qui se souvient avoir vu Madame de Sévigné écrire quand elle venait visiter sa fille mariée ici à François Adhémar de Grignan.
Vendu par Pauline de Simiane, la petite fille de Madame de Sévigné, tant la famille avait de dettes, le château a appartenu aux Castellane et le temps lui a fait bien du mal jusqu'à ce qu'une autre femme de talent, Marie Fontaine, ne tombe amoureuse de l'endroit et lui consacre la quasi-totalité de sa fortune autour de 1913, le rénovant, le reconstruisant même littéralement. Depuis 1937, il appartient au Conseil Départemental de la Drôme qui en a fait un lieu de culture, d'histoire et de spectacle. Impossible de ne pas, au moins, arpenter sa terrasse lors de votre visite : la vue est juste sublime des deux côtés : vers les façades du château ou vers la belle campagne tout autour de la cité de Grignan
Vue depuis le château / Jérôme Prod'homme (c) Monsieur de France
Quel lien entre Madame de Sévigné et Grignan ?
Madame de Sévigné / Attribué à Lefebvre
Un mariage !
Françoise de Sévigné, Comtesse de Grignan, la fille de Madame de Sévigné, vivait la plupart du temps au château de Grignan avec son époux François Adhémar de Grignan. Et cela était difficile pour la marquise puisque, vivant à Paris, des heures, que dis-je des jours de voyage la séparaient de Françoise. Or, madame de Sévigné adorait sa fille et vice-versa. Ceci dit, ces deux-là, au caractère fort, se disputaient souvent. Quand elles se voyaient, elles se disputaients et quand elles ne se voyaient pas, elles se manquait. Avouez que ça arrive à pas mal de mères et de filles non ? La marquise, souhaitant que ses lettres soient lues, et ses conseils parfois écoutés, a mis beaucoup de coeur à parler de plein de sujets différents, même si la Cour de Louis XIV revient souvent puisqu'elle en fait partie. Son humour légendaire, son sens du portrait, font de chaque lettre un véritable paradis pour l'Esprit. Ainsi, quand sa fille vivait à Grignan, la marquise lui écrivait de Paris. Et elle venait aussi souvent voir sa fille. C'est d'ailleurs lors d'un séjour au Château de Grignan que la marquise de Sévigné est morte le 17 avril 1696. Elle y repose désormais.
Françoise de Sévigné, Comtesse de Grignan, fille de Madame de Sévigné peinture à l'huile attribuée à Pierre Mignard (vers 1669), musée Carnavalet, Paris.
Un mariage pour ne pas avoir d'enfants
Si sa fille s'est installée si loin, à Grignan, c'est parce que Madame de Sévigné craignait qu'elle tombe enceinte. Je m'explique : au XVIIe siècle, la première cause de mortalité des femmes (et de très loin) c'est l'accouchement. On ne compte plus les femmes "mortes en couches" à une époque qui ne sait pas pratiquer la césarienne, qui ignore tout des microbes et ne prend aucunes mesures d'hygiène, et qui est pleine de superstitions qui font faire des gestes très nocifs pour la santé. Par exemple, à Paris, chez les bourgeoise, on écorche vif un lapin dont on applique la peau encore chaude sur le ventre de celle qui accouche pour l'aider... Cela madame de Sévigné le sait bien et elle aime tellement sa fille qu'elle a tout fait pour que sa fille n'accouche pas. Et pour cela, elle a misé sur un truc imparable : la laideur. Elle fait le maximum pour trouver le plus mauvais mari possible pour que sa fille n'ait pas du tout envie de faire l'amour. Pour épouser Françoise, Elle a donc choisi un homme plus vieux et laid en la personne de François Adhémar de Grignan, 14 ans de plus que la jeune marié et plutôt moche.
François Adhémar de Grignan par Nicolas de Largillierre - Portrait de François-Adhémar de Monteil, comte de Grignan (1629-1714) - P2209 - Musée Carnavalet
Mauvais calcul pour la marquise. Non seulement les deux nouveaux mariés sont tombés amoureux, mais François Adhémar devait être doué pour la Chose puisqu'ils faisaient l'amour très très souvent. Y compris quand la marquise était en villégiature chez eux. Elle les entendait d'ailleurs très bien puisqu'elle dormait juste au dessus de leur chambre à coucher. Ils ont eux 6 enfants...
Elle repose ici
Descendante d'une famille bourguignonne importante, et parisienne pur jus, Françoise de Rabutin-Chantal a épousé le Marquis de Sévigné, un breton, et le château de famille existe toujours, il s'agit du château des Rochers en Bretagne. Elle vivait le plus souvent à Paris, dans un bel hôtel particulier du Marais. Mais c'est lors d'un séjour chez sa fille à Grignan qu'elle est morte le 17 avril 1696. Elle a donc été enterrée là, tout près de sa Françoise chérie. Son tombeau est toujours visible dans la chapelle du château de Grignan en contrebas du château. Il a été profané pendant la Révolution Française (quand on a exhumé quasi tous les cercueils des nobles pour trouver du plomb et fondre des balles) mais remis en place, preuve du respect dont l'écrivain Françoise de Rabutin-Chantal jouissait déjà à l'époque.
Une belle statue lui rend hommage dans la ville.
(photo wikipédia par Arnaud 25)
Ce qu'on doit voir à Grignan :
Découvrir la ville.
Image par Xavier Turpain de Pixabay
Ca grimpe mais c'est tellement joli ! Flaner dans les rues, prendre des photos, découvrir ici un hôtel particulier, là une jolie maison. A noter par exemple la porte du tricot, avec son beffroi et sa cloche, la Maison du Bailli, aujourd'hui Maison de Colophon l'imprimeur, un musée de l'imprimerie mais aussi une librairie très sympa. La Rue Saint Louis et ses petites maisons est très belle aussi. J'ai un faible pour la chapelle Saint Vincent (patron des vignerons, et on fait du très bon vin à Grignan). Elle est très ancienne, près de 1000 ans, et elle est dans le cimetière. A noter les vitraux modernes signés Ann Veronica Janssens.
Le château des Adhémar
Château de Grignan : Photo par RudiErnst/Shutterstock
Surnommé "le Versailles du Sud" il est tout en haut, sur le piton et, depuis sa terrasse on domine les environs. Un endroit magnifique pour faire des photos. Les façades sont Renaissance et d'une beauté incroyable, toutes blanches ou miel. Mais le Moyen-âge n'est pas loin avec le chatelet d'entrée. On y donne des spectacles et la programmation culturelle vaut le détour.
La collégiale Saint Sauveur
Collégiale Saint Sauveur de Grignan : Photo par EQRoy/Shutterstock
C'est l'église de Grignan. Elle contient de très belles boiseries du XVIIe siècle. L'orgue est très ancien. On y voit la tribune seignueuriale qui a connu la marquise de Sévigné. Détour obligatoire.
Et ne ratez pas non plus le chemin des roses anciennes. Des roses cultivées par des passionnés regroupés en association. A voir aussi tout autour de Grignan les champs de lavande en été, les vignes et les vignerons qui vous proposerons leurs vin.
Ce qu'on goûte à Grignan
Le "Grignan-lès-Adhémar"
C'est le vin de Grignan. Il bénéficie d'une Appelation d'Origine Protégée (AOC). On fait du vin ici depuis près de 2000 ans puisque c'est à l'empereur Vespasien (77 Ap J.C) qu'ont doit la plantation de vigne dans les environs. Il existe en rouge (c'est la plus grosse production), en rosé et en vin blanc.
Un vin savoureux : Photo par Alexander_Kuzmin/Shutterstock
La tanche : l'olive noire.
On trouve les spécialités de la Drôme provençale, à commencer par les olives noires qui ont fait la fortune de Nyons à partir du XIXe siècle. Aussi appelées "tanches", elle sont l'objet d'une appélation d'origine contrôlée (AOC) depuis 1968.
OLives noires Photo par Fatih Samli/Shutterstock
Le nougat de Montélimar
Après tout, Montélimar n'est pas très loin. Il faut absolument goûter ce nougat qui a fait la réputation de la ville. Moelleux à souhait, à base d'amandes, de miel et de blancs d'oeufs. Il est parfumé de fruits secs (noisettes, pistache...).
Notre coup de coeur pour séjourner : "Le domaine du Bois des dames"
Chantemerle les Grignan / Jérôme Prod'homme (c) Monsieur de France.
A côté de Grignan, si vous aimez les maisons d'hôtes, réservez au "Domaine du bois des dames" à Chantemerle-les-Grignan. Vous serez accueillis avec chaleur par Clotilde et Arnold, qui ont repris l'endroit il y a quelques années et en on fait un trésor de bon goût, de gentillesse et de joie de vivre.
Clotilde et ses confitures / Jérôme Prod'homme (c) Monsieur de France.
C'est un joli mas, avec piscine, jardin, et une cour intérieure dans laquelle on aime se retrouver avec les autres personnes qui séjournent pour goûter les confitures maisons (et avec un choix incroyable), prendre l'apéritif (le spritz maison est à tomber par terre) et avant de dîner dans la salle à manger les plats que prépare Arnold, le patron, qui a une prédilection pour les truffes.
Le spritz est parfait / Jérôme Prod'homme (c) Monsieur de France.
Tarifs : de 125 à 225 euros avec petit déjeuner (tarifs 2021)
Adresse : Route de Clansayes, 1510 D471, 26230 Chantemerle-lès-Grignan
TOP 5 des citations de la marquise de Sévigné
1 "le coeur n'a pas de rides"
2 "Les choses n'arrivent quasi jamais comme on se les imagine"
3 "Le temps vole et m'emporte malgré moi : j'ai beau vouloir le retenir, c'est lui qui m'entraîne".
4 "Un travail opiniâtre vient à bout de tout"
5 "Gare à la flatterie ma fille : trop de sucre gâte les dents"
Madame de Sévigné vers 1670
Liens et info géo
En voiture :
Grignan est située dans le département de la Drôme (26) entre Valence (77 kms / 1H de route) et Avignon (74 Kms / 1H de route). On est à 630 kms de Paris (6H10 en voiture, l'autoroute passe tout près) et 176 kms de Lyon (2H00).
En train :
La gare TGV la plus proche Montélimar ou, plus loin, Valence.
