De Clermont-Ferrand à Paris : une vendeuse au regard sûr
Née le 26 août 1825 à Clermont-Ferrand, Marie Augustine Vernet arrive jeune à Paris. Elle travaille comme vendeuse dans la maison de textiles Gagelin. Son œil pour les étoffes, sa prestance et sa diplomatie avec les clientes la distinguent vite. C’est là qu’elle croise un employé prometteur, un Anglais débarqué quelques années plus tôt : Charles Jean Philippe Worth.
Jean Philippe Worth — Internet Archive, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=49809469
Une rencontre fondatrice : Worth + Vernet, duo de modernité
Worth dessine déjà des tenues qui dépassent la simple vente de tissu au mètre. Il conçoit, coupe, compose des silhouettes. Pour convaincre la clientèle fortunée, il demande à Marie Vernet d’endosser ses pièces, d’entrer “en marche” dans le salon, d’offrir la robe en mouvement. Le choc est immédiat : le regard de la cliente se projette, l’achat suit. La robe prend vie : c’est la naissance de la présentation “sur modèle”.
Marie Vernet-Worth première mannequin de l'histoire (1825 1898).
1851–1858 : mariage, Maison Worth et naissance d’une méthode
Marie et Charles se marient en 1851. En 1858, ils ouvrent la Maison Worth rue de la Paix. Leur révolution n’est pas qu’esthétique : elle est commerciale et sociale. Désormais, la cliente ne se contente plus d’un coupon de soie et d’un patron à faire exécuter chez elle ; elle pénètre un univers, un style signé, une autorité du couturier. Et au cœur de cette scénographie, Marie Vernet devient la première “mannequin” professionnelle, celle qui porte la robe pour en révéler la promesse.
Montrer pour vendre : un nouveau langage de la mode
Dans le salon, tout est réglé. Marie Vernet avance, tourne, marque une pause, montre l’aisance d’une jupe, la souplesse d’un corsage, la tenue d’un mantelet. Elle sait gouverner la lumière et la distance, prendre l’axe où l’étoffe flambe, offrir au regard ce que le croquis n’explique pas. À une époque où la photographie de mode n’en est qu’aux prémices, “l’image” est vivante, c’est elle.
Un catalogue de mode de 1860 / Source Wikipedia
De l’atelier au monde : quand la cliente devient audience
Grâce à des clientes prescriptrices — Pauline von Metternich d’abord, puis l’impératrice Eugénie —, la Maison Worth s’impose auprès des cours européennes. La robe Worth devient signe d’appartenance et de modernité. Marie Vernet, elle, en est l’ambassadrice, dans le salon comme lors des soirées où elle porte les nouveautés pour “faire parler” la maison. Elle invente une forme d’influence avant l’heure : créer du désir par la présence.
La mécanique d’une séance : rythme, touche, silence
Le succès n’a rien d’improvisé. Chaque présentation suit un tempo : un défilé intime avant l’heure. Les mains de Marie savent lisser un pli, retenir un pan, réveiller un passement. Elle anticipe la question d’une cliente par un geste qui y répond. Elle ne vend pas un vêtement, elle raconte une allure.
Un jupon du 19e siècle / Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=63121
Un modèle… de modèle : une profession naît
Très vite, d’autres maisons adoptent la méthode : présenter sur femme. Le mot “mannequin”, jusque-là réservé aux bustes d’atelier, glisse vers la personne. Le métier se structure lentement, jusqu’aux premières agences au XXᵉ siècle. L’acte fondateur reste celui de Marie Vernet : porter pour expliquer, bouger pour convaincre.
Retrait progressif, influence durable
Vers 1865, la santé de Marie décline et elle s’expose moins. Mais son rôle demeure central : elle gère, accueille, arbitre. Après la mort de Worth (1895), elle maintient la maison, puis s’éteint en 1898. La Maison Worth poursuit jusqu’au milieu du XXᵉ siècle, tenue par leurs fils et leurs successeurs. L’empreinte de Marie reste inscrite dans la grammaire de la mode : la robe doit se voir “en vrai”.
Pourquoi Marie Vernet compte encore aujourd’hui
Parce qu’elle a déplacé le centre de gravité de la vente : du comptoir vers la scène, de l’étoffe posée à l’étoffe vécue. Parce qu’elle a donné au corps féminin le rôle d’argument — non pas objet, mais preuve d’usage et d’allure. Parce que toute la chaîne moderne (showrooms, présentations, Fashion Weeks) dérive de cette évidence née rue de la Paix : voir bouger, c’est comprendre.
Source : wikicommons
FAQ
Qui est la première mannequin de l'histoire
Vendeuse devenue collaboratrice de Charles Frederick Worth, Marie Vernet est considérée comme la première mannequin professionnelle : elle présentait les robes “sur modèle” pour convaincre les clientes.
Pourquoi est-elle dite “première mannequin”
Parce que la Maison Worth introduit la présentation portée dans le salon, et que Marie Vernet en fut l’interprète principale : elle a “joué” la robe pour la vendre.
Quel fut son rôle dans le succès de la Maison Worth
Essentiel : elle a donné un visage, un pas et une allure aux créations, créant le désir chez une clientèle d’élite qui deviendra internationale.
A-t-elle défilé sur des podiums
Non : le défilé public n’existe pas encore. Les présentations se déroulent en salon, en cercle restreint, mais selon une logique de “séquence” déjà très moderne.
Pourquoi parle-t-on d’“influenceuse” avant l’heure
Parce que porter une robe lors d’une soirée, c’était faire parler de la maison. Marie Vernet crée de la notoriété par sa simple présence, bien avant photos, magazines et réseaux sociaux.