24 novembre 1883 : date de naissance de la poubelle
Ce jour là, le préfet de Paris, Eugène POUBELLE (1831-1907), originaire de Caen en Normandie, ordonne par arrêté que « Dorénavant, les ordures ménagères seront ramassées par l'intermédiaire d'un récipient de bois garni à l'intérieur de fer blanc, de manière que rien ne puisse s'en échapper. Ces récipients pourront également contenir des cendres chaudes sans risque d'incendie ». Les tailles sont même indiquées. Une obligation qui incombe aux propriétaires qui ne sont pas très contents de cette dépense obligatoire. D'autant qu'on ne rigole pas avec un ordre du Préfet de Paris (il n'y a pas de maire à l'époque dans la Capitale) et que pas moyen de faire autrement : il faut acheter et mettre en place ces récipients.
Le prefet POUBELLE a la fin de sa vie (il est ambassadeur près du Saint-Siège à Rome) par NADAR.
"La boite Poubelle"
Le journal le Figaro s'en fait l'écho en critiquant les "boîtes Poubelle" sans en voir l'intérêt et c'est le cas de nombreux parisiens qui ne voient pas pourquoi on ne les laisse pas entasser les déchets devant les portes comme avant. Peu à peu, ces "boites Poubelle" deviennent, avec le sens critique légendaire des parisiens, des "poubelles". Il n'en demeure pas moins que le Préfet est obéit et que les poubelles font leur entrée dans les foyers parisiens, d'abord, dans les rues ensuite. Et Paris y gagne en confort puisque le Préfet va au bout de son idée et embauche des éboueurs pour vider les poubelles des parisiens dans des charettes qui passent régulièrement dans les rues de Paris. La Ville-Lumière devient aussi la ville propre. Ce qu'elle n'avait jamais connu auparavant...
Paris longtemps un cloaque putride.
On a du mal à imaginer Paris avant le XIXe siècle mais si on se téléportait dans la Capitale avant 1883, on découvrirait une ville médiévale avec des rues étroites et sombres (propices aux attaques d'ailleurs) avec une sorte de rigole au milieu. Cette rigole c'est une poubelle collective pour la rue puisqu'on jette les ordures par les fenêtres. Un arrêté royal oblige, en théorie, a crier "gare !" avant de le faire, mais Paris étant Paris et les Français étant Français, personne ne le fait. Si bien que c'est risqué de se promener dans Paris si on veut rester propre puisqu'on peut, à tout moment, se prendre quelque chose de pas net sur la tête. D'autant qu'on jette aussi par la fenêtre les pots-de-chambres et autres vases de nuit. Les élégants ont pris coutume très tôt de marcher le plus loin possible du caniveau central et le plus près possible des maisons, ce qui a fait naître une expression pour désigner quelqu'un qui est bien en vue et sait éviter les ennuis : tenir le haut du pavé.
Une foire à Paris. Atelier de Maître de la Cité des dames, Public domain, via Wikimedia Commons BNF Gallica.Fr
La boue de Paris : une véritable légende.
Ces immondices agglutinés dans les rues, renouvelés chaque jour, écrasés par les chevaux qui ajoutaient leur crottin, les passants, la pluie.. finissent par former une boue qu'on ne trouve qu'à Paris et si putride qu'elle attaque littéralement les vêtements qu'elle tâche. Ils ne sont que quelques uns, dans toute la ville, à savoir comment détacher un vêtement tâché par le boue de la rue sans le détruire en même temps. Chez les aristocrates ou les bourgeois de Paris, c'est une vraie chance d'avoir un valet capable de détacher les vêtements de cette boue infâme. Le plus simple est d'ailleurs de ne pas marcher dans la rue et de se déplacer à cheval pour les plus riches, à dos de mule pour les bourgeois, notamment les avocats et les juges qui provoquent des bouchons (déjà !) en se rendant en même temps au Palais de Justice. Au delà de la propreté des vêtements, cette boue parisienne et l'inexistance absolue d'une hygiène, même basique, favorise les épidémies. Celle du choléra, au milieu du XIXe siècle, marque les contemporains et notamment les décideurs qui décident de prendre les choses en main. Ca tombe bien, on est en train de reconstruire Paris.
L'immense chantier du Baron Haussmann
Le percement du boulevard HAUSSMANN à PARIS. Par Agence de presse Meurisse — Cette image provient de la bibliothèque en ligne Gallica sous l'identifiant ARK btv1b9023129m, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=52541974
A partir de 1853, sur ordre de l'empereur Napoléon III, qui supervise et intervient directement, le Baron Georges-Eugène HAUSSMANN (1809-1891), bouleverse et concasse le Paris médiéval pour eriger un nouveau Paris. De larges avenues permettent de traverser la ville rapidement, des immeubles au style homogène (parce qu'obligatoire pour les architectes) donnent de l'unité et de l'allure à la ville, en plus de lui donner le confort moderne avec des logements propres et neufs (les plus pauvres en haut, parce qu'il faut monter, les plus riches au premier étage, et souvent des boutiques au rez-de-chaussée). En parallèle des constructions visibles, un immense chantier met en place des égoûts ultra modernes dans une ville qui n'en comptait que 20 km en 1824 (et qui se jettaient dans la Seine !) On crée des parcs pour offrir de l'air pur aux parisiens. Seuls les monuments les plus prestigieux (et encore pas tous ! ) sont conservés, et le quartier du Marais est peu touché parce que, bâti au XVIIe siècle, il est déjà un peu moderne par rapport aux autres rues de Paris que Haussmann a trouvé en arrivant et qui n'avaient pas changé depuis des siècles. Un peu partout, des alignements d'arbres le long des rues, et même, nouveauté : des bancs imaginés par l'architecte DAVIOUD, des réverbères pour éclairer, bientôt un métro grâce à Fulgence BIENVENÜE et aussi... Des poubelles !
Des façades haussmanniennes. Photo choisie par Monsieurdefrance.com : Pascale Gueret via Depositphotos.Com
Et aujourd'hui ?
Les récipients en fer blanc de Monsieur POUBELLE sont loins derrière nous et notre façon d'utiliser la poubelle a bien changé. On a maintenant des poubelles de tri selectif, et il existe pas moins de 4604 déchetteries en France (2019) qui trient 14 000 000 de déchets par an. Ceci dit, nos poubelles servent trop. On jette 39 000 000 de tonnes de déchets par an dedans. 531 Kg par an et par habitant en France. C'est trop. L'objectif c'est de simplifier les codes couleurs pour qu'ils soient les mêmes partout et de générer le moins de déchets possible, notamment alimentaire en faisant du compost.
POUBELLE est toujours un nom de famille pour une grosse centaine de Françaises et Français, ce qui en fait le 75 396e nom de famille le plus porté en France.