En résumé : Ce qu'il faut savoir
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L'homme : Auguste Thin, caporal de 21 ans et fils de soldat mort au front.
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La date : Le 10 novembre 1920 dans la citadelle de Verdun.
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Le secret : Il choisit le 6e cercueil par un calcul lié à son régiment (132e).
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Le lieu : Inhumé sous l'Arc de Triomphe le 28 janvier 1921.
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Le rituel : Une flamme éternelle ravivée chaque soir à 18h30 depuis 1923.
L'Arc de Triomphe / photo par Catarina Belova/Shutterstock.com
Sous l'immense voûte de l'Arc de Triomphe, là où le vent s'engouffre entre les colonnes de pierre, brûle une lumière qui ne s'éteint jamais. Chaque jour, des milliers de regards se posent sur cette dalle sacrée, mais combien connaissent la main qui a désigné ce cercueil ? En 1920, dans l'obscurité d'une galerie souterraine de la Citadelle de Verdun, un jeune soldat de 21 ans a porté sur ses épaules le deuil de toute une nation. Ce soldat, c'est Auguste Thin. Monsieur de France vous emmène sur les traces de ce moment où un gamin a offert l'éternité à un de ces frères d'armes.
1. L'origine d'un symbole : pourquoi un soldat anonyme ?
Au lendemain de l'Armistice du 11 novembre 1918, la France est un pays exsangue et traumatisé. Avec 1,4 million de soldats français tués, tous des citoyens mobilisés, des centaines de milliers de familles n'ont pas de tombe où se recueillir : leurs fils, pères ou maris sont "disparus" dans la boue des tranchées. Les corps sont loin du village ou de la maison, ils sont parfois si méconnaissable qu'on ne sait pas qui est qui. Ce que demande la France c'est un symbole commun à toutes ces familles.
L'idée de choisir un soldat inconnu pour représenter tous les autres naît dès 1916 sous l'impulsion de Francis Simon, président du Souvenir Français. Il s'agit de donner un corps à l'absence. Le choix du lieu fut longuement débattu : le Panthéon pour la République, ou l'Arc de Triomphe pour la gloire militaire ? Ce sont les anciens combattants qui imposeront l'Étoile, jugeant le Panthéon trop "civil".
Les soldats français dans l'enfer des tranchées / Photo choisie par Monsieur de France : Par French photographer — National Army Museum (NAM. 2007-03-7-3), Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=602064
2. Le protocole rigoureux de la citadelle de Verdun
Pour que le symbole fonctionne, il fallait une garantie d’anonymat absolu. Le ministre des Pensions, André Maginot, lui-même blessé de guerre, organise une opération d'une précision chirurgicale. Elle a lieu à Verdun dont la bataille a été la plus terrible de la guerre avec près de 300 000 morts.
Huit corps sont exhumés des principaux secteurs du front Français : les Flandres, l'Artois, la Somme, l'Île-de-France, le Chemin des Dames, la Champagne, et Verdun. Dans chaque secteur, on s'est assuré que le corps était bien celui d'un soldat français, mais dont l'identité était totalement impossible à établir.
Le 10 novembre 1920, ces huit cercueils de chêne identique sont alignés dans une galerie de la citadelle de Verdun. Pour éviter toute triche ou influence, le ministre fait changer l'ordre des cercueils au dernier moment.
3. Le choix d'Auguste Thin : un destin bouleversant
Le soldat chargé de la désignation ne fut pas choisi au hasard. On cherchait un homme exemplaire, un "vrai" poilu. Le caporal Auguste Thin fut sélectionné. À 21 ans, il était le plus jeune engagé volontaire de son unité, le 132e régiment d'infanterie. Surtout, Auguste était lui-même un orphelin de guerre : son père avait disparu dès les premiers mois du conflit. Dans ce garçon et son destin, de nombreux Français peuvent se retrouver.
Auguste THIN et le ministre André MAGINOT le 10 novembre l'instant d'après le choix du cercueil / Photo choisie par Monsieur de France Par Agence de presse Meurisse — Cette image provient de la bibliothèque en ligne Gallica sous l'identifiant ARK btv1b90377459, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=115036186
Le ministre Maginot lui tend un bouquet de fleurs sauvages cueillies sur le champ de bataille. Auguste Thin doit le déposer sur l'un des cercueils. Devant la rangée, il hésite. Il passe devant le premier, le deuxième... et s'arrête devant le sixième.
4. Le secret mathématique du 6e cercueil
Pourquoi le numéro 6 ? Ce n'est pas un hasard, mais un calcul mystique et patriotique. Auguste Thin l'expliquera plus tard avec émotion : "Il me vint une pensée simple. J'appartiens au 6e corps d'armée. En additionnant les chiffres de mon régiment, le 132 (1+3+2), cela fait encore 6. Mon choix est fait, ce sera le 6." En déposant ce bouquet, Auguste ne choisit pas seulement un corps, il offre à la France un fils qu'elle peut chérir de tout son coeur.
5. Le transfert vers Paris : une ferveur nationale
L'Arc de Triomphe / photo par Bill Perry/Shutterstock.com
Le cercueil élu quitte Verdun le soir même. Le trajet est une marche triomphale. Dans chaque gare, la foule se presse en silence. Arrivé à Paris, le Soldat Inconnu est d'abord placé au Panthéon pour une veillée historique la nuit du 11 novembre 1920, aux côtés du cœur de Gambetta.
Ce n'est que le 28 janvier 1921 qu'il est inhumé définitivement sous la voûte de l’Arc de Triomphe. On scelle alors la dalle de granit avec cette inscription qui résonne encore aujourd'hui : "Ici repose un soldat français mort pour la Patrie". Personne, aucune armée, pas même l'armée nazie lors de l'Occupation, n'a pu traverser l'Arc de triomphe depuis ce jour là.
Pour en savoir plus sur l'Arc de triomphe, c'est par ici.
6. La Flamme éternelle : un rituel né en 1923
La Dalle Sacrée et la flamme du Soldat Inconnu / photo parmeanmachine77/Shutterstock.com
La tombe, bien que majestueuse, semblait parfois "froide". En 1923, le sculpteur Grégoire Calvet et l'écrivain Gabriel Boissy lancent l'idée d'une flamme du souvenir. Le 11 novembre 1923, la flamme est allumée pour la première fois. Depuis cette date, la flamme n'a jamais été éteinte, pas même durant les quatre années de l'Occupation allemande. Les Parisiens bravaient le couvre-feu pour assister à ce geste de résistance. Chaque soir à 18h30, des bénévoles et des citoyens se rassemblent pour le ravivage de la flamme, un moment solennel où l'on entend la sonnerie aux morts résonner sur la place de l'Étoile.
7. Auguste Thin : l'homme derrière le symbole
Après ce geste historique, Auguste Thin est retourné à une vie modeste de commis de commerce à Beauvais. Il n'a jamais cherché la gloire. Ce n'est qu'à la fin de sa vie que la nation lui a rendu hommage. Décoré de la Légion d'honneur en 1954, il est mort en 1982. Il reste dans l'histoire comme le "choisisseur", celui qui a permis à chaque Français de dire, devant cette tombe : "C'est peut-être lui".
La Marseillaise par Rude sur l'Arc de Triomphe / photo par dimm3d/Shutterstock.com
FAQ : Tout savoir sur le Soldat Inconnu
Pourquoi y avait-il 8 cercueils ?
Les 8 cercueils représentaient les 8 secteurs géographiques où les combats furent les plus intenses. Cela garantissait que le soldat pouvait venir de n'importe quel point du front.
Qu'est-il arrivé aux 7 autres corps ?
Ils reposent à la Nécropole nationale de la Citadelle de Verdun, dans le "Carré des sept inconnus". Ils sont traités avec la même dévotion que celui de Paris.
Peut-on assister au ravivage de la flamme à 18h30 ?
Oui, l'accès est libre, gratuit et quotidien. C'est une cérémonie citoyenne où chacun peut se recueillir.
Comment sait-on qu'il est vraiment français ?
Les officiers chargés des exhumations ont choisi des zones où seules des unités françaises avaient été engagées. Les uniformes, même en lambeaux, permettaient de confirmer l'appartenance à l'armée française.
Qui est le gardien de la flamme ?
Le ravivage est assuré par le Comité de la Flamme, qui regroupe plus de 500 associations d'anciens combattants. Le président de la République le fait traditionnellement le 11 novembre.
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Le saviez-vous ? Les chiffres clés du Soldat Inconnu
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132e : Le régiment d'Auguste Thin.
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6 : Le numéro du cercueil élu.
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1923 : L'année de naissance de la flamme.
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100 ans : La flamme brûle sans interruption depuis plus d'un siècle.
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