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Qui était ce roi Stanislas à qui on doit la plus belle place du monde ?

Il a donné son nom à la plus belle place du monde : la Place Stanislas de Nancy. Il faut dire que c'est à cet homme étonnant qu'on doit cette place magnifique. Roi de Pologne, deux fois détrôné, Duc de Lorraine, beau-père du roi de France Louis XV... Un garçon un peu aventurier, très gourmand, bâtisseur et généreux, il a vécu une vie étonnante qui vaut la peine d'être connue. Rencontre avec le destin de Stanislas Leszczynski

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Roi de Pologne à 26 ans. 

 

La ville de LVIV aujourd'hui. Photo choisie par monsieurdefrance.com : Ruslan-Lytvyn via depositphotos.

La ville de LVIV aujourd'hui. Photo choisie par monsieurdefrance.com : Ruslan-Lytvyn via depositphotos.

 

 

Un jeune noble polonais cultivé et sportif

 

Stanislas est né le 20 octobre 1677 à Lviv, aujourd'hui en Ukraine, à l'époque dans la République des Deux Nations, autrement dit la Pologne. Une Pologne beaucoup plus vaste qu'aujourd'hui, elle comprend l'actuelle Pologne, mais aussi les Pays Baltes et l'Ukraine. La famille Leszczynski est originaire de Bohême. Elle s'est implantée en Posnanie au 9e siècle. Le père de Stanislas, Raphaël, en est le "staroste" autrement dit le gouverneur. Une famille noble, certes, mais loin d'être de ces grandes familles qui se partagent la Pologne. En 1696, Stanislas sort de l'anonymat en prononçant l'éloge funèbre du roi Jean SOBIESKI. Il est doué, il parle bien, et il épate les gens venus assister aux funérailles. 2 ans, plus tard, en 1698, il se marie avec Catherine OPALINSKA, elle lui apporte en dot quelques centaines de bourgs et de village (c'est comme ça qu'on compte dans la noblesse polonaise de l'époque). Ils auront deux filles : Anne, née en 1700, et Marie, née en 1703.

 

Portrait de Stanislas autour de 1700 (peintre anonyme). Source Monsieurdefrance.com : webart.nationalmuseum.se, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3250854

Portrait de Stanislas autour de 1700 (peintre anonyme). Source Monsieurdefrance.com : webart.nationalmuseum.se, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3250854

 

Il a donc une bonne situation. Il est curieux et cultivé. Il a, par exemple, fait son "tour d'Europe", c'est à dire la visite des grandes villes européennes. Chose courante chez les nobles anglais, mais plus rare en Pologne. On sait qu'il a séjourné un peu à Paris et découvert la ville, sans savoir qu'il y reviendrai 40 ans plus tard pour voir sa fille. C'est aussi un garçon sympathique, déjà. On a du mal à l'imaginer quand on voit sa statue et le bon gros bonhomme qui trône au milieu de la Place qui porte son nom à Nancy, mais, en 1700, le moment où son destin bascule, c'est un garçon fringuant, très sportif, il est gourmand (comme sa maman Anna JABLONOWSKA, grande gourmande devant l'Eternel) mais il boit peu, un original dans la Noblesse polonaise de ce point de vue. Sobre donc (enfin presque), sportif et cultivé, ces trois qualités vont taper dans l'oeil d'un homme extraordinaire. C'est d'ailleurs ce qui va changer sa vie... 

 

 

Charles XII "tête de fer". 

 

Le Roi Charles XII (1682-1718) attribué à David von Krafft/ Johan David Schwartz — www.nationalmuseum.se, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=482449 / Illustration choisie par monsieurdefrance.com :  www.nationalmuseum.se, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=482449

Le Roi Charles XII (1682-1718) attribué à David von Krafft/ Johan David Schwartz — www.nationalmuseum.se, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=482449 / Illustration choisie par monsieurdefrance.com :  www.nationalmuseum.se, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=482449

 

En 1699, la Suède est gouvernée par un gamin. Le roi a 17 ans, il s'appelle Charles XII (1682-1718) et il est roi depuis 2 ans quand ses voisins décident de profiter de son inexpérience pour attaquer la Suède et en croquer de gros morceaux pour agrandir leurs possessions. C'est ainsi que la Russie, le Danemark et la Pologne s'allient et attaquent la Suède, en pensant n'en faire qu'une bouchée. Mal leur en prend. Charles XII est un génie militaire. Très cultivé (il parle plusieurs langues), extrêmement aguerri (il est sportif, il dort dans la neige...) il est passionné par la guerre (au point de débaptiser les reines du jeu d'échec pour les appeler des généraux). Et ce jeune homme va non seulement résister mais surtout débouler chez ses adversaires avant de se lancer à l'assaut de l'impénétrable Russie. Très doué, Charles XII vainc tour à tour ses adversaires. Il attaque d'abord le Danemark et assiège Copenhague. Un traité est signé. Ensuite, il attaque les russes. La bataille de Narva (30 novembre 1700) est une immense victoire puisque les suédois, se battant à moins de 1 contre 4, écrasent les russes et font 15 000 morts chez les russes, quand ils sont 667 côté suédois. Les mains libre, et bien décidé à pousser son avantage en Russie ensuite,  Charles XII, 18 ans, surnommé "tête de fer" tant il est têtu, attaque la Pologne, qu'il a déjà vaincu une première fois à Riga. 

 

La Bataille de Narva  Par Alexandre von Kotzebue / Illustration choisie par monsieurdefrance.com :http://www.belygorod.ru/img2/RusskieKartinki/Used/0KocebuAE_SrazhPodNarvoyARTM.jpg, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4111346

La Bataille de Narva Par Alexandre von Kotzebue / Illustration choisie par monsieurdefrance.com commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4111346

 

Pour la Pologne, c'est le roi Auguste II qui a décidé de se joindre au Danemark et à la Russie dans l'assaut contre la Suède. Bien mal lui en a pris. Les armées polonaise sont chamboulées par les troupes de Charles XII qui les pousse littéralement devant lui. Auguste II, qui est aussi roi de Saxe, est obligé de fuir et de se réfugier dans son royaume saxon, pendant que Charles XII parvient jusqu'à Varsovie, la capitale, qu'il s'apprête à conquérir. Les polonais envoient une délégation pour négocier. Dans cette délégation, menée par le Cardinal Primat de Pologne, il y a le jeune Stanislas. Et Charles XII apprécie Stanislas. Ils ont quasiment le même âge, ils sont sportifs et cultivés tous les deux. A la sortie des négociations, les conditions de Charles XII sont claires. Auguste II doit renoncer à la couronne polonaise, il doit y avoir une nouvelle éléction, et comme Charles a dit du jeune Stanislas "celui-ci sera toujours mon ami", tout le monde a compris qu'il faudra élire Stanislas roi de Pologne. Pas le choix ! Auguste II, réfugié en Saxe, signe le traité. Stanislas 1er est élu Roi de Pologne le 12 juillet 1704. Il a 27 ans. 

 

Le couronnement de Stanislas en juillet 1704 / Illustration choisie par monsieurdefrance.com : Bibliothèque nationale de France, Domaine public, https://commons.wikimedia.org

Le couronnement de Stanislas en juillet 1704 / Illustration choisie par monsieurdefrance.com : Bibliothèque nationale de France, Domaine public, https://commons.wikimedia.org

 

 

Le Royaume des Deux-Nations : une monarchie par éléction. 

 

C'est une originalité que celle de l'election du roi de Pologne. A la mort du roi en titre, les nobles polonais se réunissent dans l'immense plaine de Wola aux portes de Varsovie et ils élisent leur roi. Ses pouvoirs sont très limités, mais il a la main sur le trésor et il peut nommer à des postes importants. Il est rarement polonais, souvent étranger. C'est ainsi que le roi précédant Stanislas (et qui va bientôt lui reprendre la place) est roi de Saxe sous le nom de Frédéric-Auguste 1er et en même temps roi de Pologne sous le nom de Auguste II. Pour l'anecdote, des français ont été rois de Pologne. Henri III (1551-1589) est élu roi de Pologne le 11 mai 1573 grâce à sa mère Catherine de Médicis qui voulait un trône pour son fils préféré, cadet du roi de France. Il règne 2 ans et 1 jour avant de filer en cachette pour rentrer en France prendre le trône laissé libre par la mort de son frère Charles IX. De même, le Prince de Conti est élu en 1697, mais il y va en trainant les pieds et refuse même de débarquer quand il entend les canons de son concurrent (déjà Auguste II) l'accueillir à Dantzig (Gdansk aujourd'hui). 

 

L'election du concurrent de Stanislas, Auguste II, sur la plaine de Wola près de Varsovie en 1697. Illustration choisie par monsieurdefrance.com : tableau par Jean-Pierre Norblin de La Gourdaine — www.wawel.krakow.pl, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=5045474

L'election du concurrent de Stanislas, Auguste II, sur la plaine de Wola près de Varsovie en 1697. Illustration choisie par monsieurdefrance.com : tableau par Jean-Pierre Norblin de La Gourdaine — www.wawel.krakow.pl, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=5045474

 

Une election donc. Et pas comme on l'imagine aujourd'hui. Un vaste champ et 40 000 personnes dessus. Un campement énorme sur lequel on croise des dynasties princières qui viennent avec leurs soldats, serviteurs et les femmes qui réjouissent ces bonhommes moyennant finance, mais aussi des petits nobles qui n'ont que leur cheval. On boit, on discute, on s'engueule. C'est même assez risqué. On peut acheter les voix et c'est celui qui arrose le plus les electeurs qui gagne. Pour ce qui est de Stanislas, c'est Charles XII qui impose le résultat, mais de nombreux nobles restent fidèles à Auguste II. D'autres considèrent que, même avec toutes ses qualités, Stanislas a été élu par ingérence extérieure. Son trône est bien fragile. Il ne tient que parce que Charles XII est victorieux. Hélas pour lui, le vent va tourner dans le mauvais sens. Charles XII a décidé de pousser son avantage et d'attaquer la Russie. Il a un peu pris la grosse tête et ça va lui coûter cher... 

 

 

Charles XII : la comète qui finit par s'écraser. 

 

La bataille de Poltava et la défaite de Charles XII de Suède / Par Adam Jones from Kelowna, BC, Canada — Detail of Diorama of Battle of Poltava - Battle of Poltava History Museum - Poltava - Ukraine - 03, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org

La bataille de Poltava et la défaite de Charles XII de Suède / Par Adam Jones from Kelowna, BC, Canada — Detail of Diorama of Battle of Poltava - Battle of Poltava History Museum - Poltava - Ukraine - 03, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org

 

En 1709, Charles XII se lance donc à la conquête de la Russie. Et comme les deux qui le tenteront après lui (Napoléon 1er et Hitler), il se plante. Parce que la Russie est absolument immense et que le climat est extrême une bonne partie de l'année. A la tête de 45 000 hommes, il s'enfonce dans l'empire russe avec l'idée de prendre Moscou, qui est toujours la plus grande ville de Russie, même si Pierre 1er a commencé la construction d'une nouvelle capitale, Saint Petersbourg, quelques années plus tôt. Les russes font la stratégie de la terre brûlée en détruisant à l'avance les villages et les récoltes qui se trouvent sur le chemin de l'armée suédoise qui manque très vite de tout, et surtout de vivres. Et 1709, c'est l'année du "gros hyver" en France et en Europe. Le pire hiver jamais enregistré, et toujours pas battu à ce jour. A Versailles, le vin gèle dans les verres. Dans les campagnes, les arbres craquent par le gel. On traverse le port de Marseille à pied. Des oiseaux tombent littéralement du ciel. Autant dire qu'en Russie, c'est épouvantable. L'hiver et le manque de vivre ont décimé l'armée suédois quand elle arrive devant Poltava en juillet 1709 pour assieger la ville. La Bataille fait rage, mais les suédois ne tiennent pas face aux russes qui les battent à plates-coutures. Charles XII est contraint de s'enfuir en Turquie, dans l'Empire Ottoman, vieil ennemi de l'Empire Russe. Il pense persuader "la Sublime Porte" (le gouvernement turque) de l'aider. Autant dire que le trône de Stanislas est très mal en point. C'est à Charles XII qu'il le doit, et il tenait tant que le roi de Suède était victorieux. Alors que Charles XII est vaincu, Auguste II, le concurrent de Stanislas, se lance à la reconquête de son trône perdu. Stanislas doit fuir devant les armées saxonnes. Si vite qu'on oublie même la petite Marie, sa fille cadette, dans une auge d'étable. Il faudra revenir très vite la chercher. Perdu, et désireux de sauver ce qui peut l'être, Stanislas écrit à Charles XII pour négocier et proposer de rendre sa couronne à Auguste II en échange de récuperer les terres de sa famille. Charles XII refuse tout net et fait comprendre à Stanislas que, s'il l'a fait roi, il peut aussi faire roi un autre que lui. Stanislas décide de partir rejoindre Charles XII en Turquie pour le persuader du bien-fondé de son idée de rendre la couronne polonaise... 

 

 

Stanislas déguisé en officier.

 

Comme les russes sont contre son protecteur, Stanislas ne peut pas aller tranquillement en Turquie en passant par la Russie. De même, vis a vis des Turques, il préfère être discret. Il décide donc de se déguiser... En Français. Ca ne manque pas de sel quand on sait que ses contemporains, 30 ans ,plus tard, feront remarquer le fort accent polonais de Stanislas quand il parle le Français. Mais bref, déguisé en officier Français, il parvient à passer pas mal de frontière jusqu'à ce qu'un fonctionnaire turque ne le croit pas. "Je suis major" lui dit Stanislas en latin. "Majorum Est" lui répond le turque ce qui veut dire "tu es bien plus haut que ça". Un jeu de mot amusant mais qui n'empêche pas la réalité : Stanislas n'est pas accueillit mais plutôt fait prisonnier par les turques qui l'emmènent à Bender, en Moldavie, rejoindre Charles XII qui y est enfermé dans une maison. Enfermé parce qu'il a tenté plusieurs fois de s'enfuir, attaquant même les turques qui l'entouraient (il s'est pris les eperons dans sa cape et il est tombé, ce qui a permit de l'arrêter). Charles XII prisonnier, Stanislas aussi, Auguste II de Pologne récupère la couronne qu'il avait perdu. 

 

La forteresse de Bendery, en Transnistrie / Moldavie. Photo choisie par monsieurdefrance.com : Byelikova via depositphotos.

La forteresse de Bendery, en Transnistrie / Moldavie. Photo choisie par monsieurdefrance.com : Byelikova via depositphotos.

 

A Bender, Stanislas découvre la culture ottomane. Il aime se promener et découvrir l'architecture avant que les conditions de détention ne deviennent plus rudes quelques mois plus tard. C'est aussi là qu'il découvre la "chibouque", une longue pipe, qu'il apprend à fumer (et qui causera sa mort 50 ans plus tard, mais nous n'en sommes pas encore là)

 

 

La vie au duché de "deux-Ponts" Zweibrucken. 

 

Alors que ses ennemis assiègent désormais la Suède dans ses terres, Charles XII négocie sa libération avec les turques et repart en 1714 pour défendre son royaume. En attendant de lui reconquérir la Pologne, le roi suédois offre à Stanislas le duché de Deux-ponts, dans l'Allemagne d'aujourd'hui et qui appartient à la Suède au 18e siècle. Stanislas s'y installe aussitôt et retrouve sa femme et ses deux filles qu'il n'avait pas vu depuis plusieurs années. Il y lit beaucoup et il se lance dans la construction, ce qui sera l'une des ses grandes passions. Il fait bâtir le "tchiflik" inspiré des tchiflik turques qui étaient de grandes propriétés agricoles. A Zweibrucken, le tchiflik de Stanislas est un petit château constitué de plusieurs batiments séparés les uns des autres et de jardins en espaliers. Il est très apprécié de ses nouveaux sujets. Il faut dire qu'il est vraiment sympa. A tel point qu'un des mercenaires envoyé par son concurrent, Auguste II, pour l'enlever et le mettre en prison, vend la mèche et dénonce le complot à Stanislas, en disant que c'est bizarre qu'on en veuille a un homme aussi appréciable. Les Lorrains sauront le reconnaître, eux aussi, un peu plus de 20 ans plus tard. 

 

Zweibrucken quelques années après le passage de Stanislas. Gravure du XIXe siècle / Via wiki commons / Wikipedia.

Zweibrucken quelques années après le passage de Stanislas. Gravure du XIXe siècle / Via wiki commons / Wikipedia.

 

C'est là que Stanislas a la douleur de perdre sa fille ainée, Anne Leszczynska (1699-1717). Elle meut à l'âge de 18 ans, victime d'une pneumonie et aussi, hélas, des médecins nombreux appelés à son chevet par son père et qui tuaient plus souvent qu'ils ne sauvaient. Elle est enterrée en l'abbaye de Gräffinthal laissant ses parents inconsolables. Stanislas fait même jurer à Marie, la petite cadette, de ne jamais prononcer le nom de Anne en sa présence. Promesse qu'elle tiendra si bien que Louis XV, son époux, n'apprendra que fort tard qu'elle avait une soeur ainée. Ce drame rapproche énormément Stanislas de sa fille Marie. leur relation quasi fusionnelle deviendra légendaire. 

 

Anne Leszczynska (1699-1718) Par Johan Starbus / Source de Monsieurdefrance.com : webart.nationalmuseum.se, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=14954433

Anne Leszczynska (1699-1718) Par Johan Starbus / Source de Monsieurdefrance.com : webart.nationalmuseum.se, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=14954433

 

Quelques mois plus tard, en 1718, Charles XII meurt. Une balle lui traverse la tête, trouant son chapeau, alors qu'il s'avance pour inspecter ses lignes d'attaques depuis un fossé. Il y a un grand mystère autour de sa mort parce qu'on ne sait pas de quel côté est venue la balle. Officiellement du côté russe. Officieusement, de nombreux historiens se demandent si la balle n'est pas venue du propre camp de Charles XII, tirée par des suédois qui n'en pouvaient plus de la guerre et du caractère de Charles XII. Il faut dire que quelques années plus tôt, alors que la Diète suédoise, le Parlement, avait demandé au roi de rentrer au pays, Charles XII avait fait expédier une de ses bottes pour présider cette diète. Charles XII mort, ses héritiers font la paix et s'empressent de sauver ce qui peut encore l'être. Et ils mettent Stanislas à la porte de son petit duché de Deux-ponts. Le voilà à la rue et ruiné. Si ruiné qu'il est obligé de mettre les bijoux de sa femme en gage chez un prêteur de Lunéville, en Lorraine, alors qu'il se rend en Alsace. Le duc de Lorraine, Léopold 1er, apprenant cela, fait racheter les bijoux au prêteur et les rends à Stanislas. Les deux hommes ne savent pas qu'ils vivront dans le même château à deux époques différentes. Appelant la France à l'aide, Stanislas se voit répondre par le Régent Philippe d'Orléans (1674-1723) que "la France a toujours été l'asile des rois malheureux". On lui verse une petite pension et on l'héberge en Alsace, dans une maison bourgeoise à Wissembourg. Il semble que la vie de Stanislas, qui a passé 40 ans, doive s'arrêter là, à lire et chasser, et s'entendre dire toute la journée par sa femme Catherine qu'il est un looser. Il est tout de même victime d'une tentative d'assassinat par son concurrent Auguste II qui fait empoisonner le tabac de sa chibouque, sa longue pipe. Ca ne fonctionne pas (les américains tenteront le même coup avec les cigares de Fidel CASTRO 2 siècles plus tard et ça ne fonctionnera pas non plus). Une vie morne donc. Mais... Une fois de plus, un roi va faire basculer sa vie et surtout celle de sa fille, Marie. 

 

 

 

Stanislas : beau père de Louis XV Roi de France. 

 

Marie Lezckzinska 1 an après son mariage avec le roi de France Louis XV. Illustration choisie par monsieurdefrance : tableau Par Alexis Simon Belle — www.zamek-krolewski.pl, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=424431

Marie Lezckzinska 1 an après son mariage avec le roi de France Louis XV. Illustration choisie par monsieurdefrance : tableau Par Alexis Simon Belle — www.zamek-krolewski.pl, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=424431

 

 

Un jeune roi de France a marier. 

 

En 1715, à la veille de sa mort, Louis XIV (1638-1715) n'a plus qu'un seul descendant et la France a bien du mal à se remettre de la Guerre de succession d'Espagne. En 1700, cette guerre lancée contre la France par de nombreux pays européens quand Louis XIV a décidé de soutenir les droits de son petit fils, Philippe d'Anjou (1683-1746) au trône d'Espagne. Un bourbon sur le trône d'Espagne était intolérable pour de nombreuses puissances qui n'acceptaient pas que la dynastie des Bourbons puisse tenir les trônes de France et d'Espagne. D'autant le petit fils de Louis XIV pourrait prétendre réunir les deux couronnes si son frère ainé venait à mourir.  En 1713, après un conflit très important, un compromis est trouvé. Philippe d'Anjou peut conserver la trône espagnol à la condition express de renoncer au trône de France s'il venait à lui échoir. Et àa n'a rien d'impossible. La maladie (la variole, la rougeole...) et des accidents (une chute de cheval), ont décimé les autres descendants de Louis XIV au point qu'en 1715, le roi n'a plus qu'un seul héritier. Un gamin de 5 ans ; Louis duc d'Anjou, le futur Louis XV. Le gamin, qui n'était que le cadet, n'a pas été soigné par les medecins quand il a été touché par la rougeole, à la différence de son frère ainé. Et à l'époque, les medecins tuent plus souvent qu'ils ne guerrissent. C'est grâce à Madame de VENTADOUR, la nourrrice de l'enfant, qui ferme toute les portes, que Louis XV est sauvé... En n'étant pas soigné. Il est vivant, certes, mais la mort est fréquente chez les enfants au 18e siècle. Si l'enfant, seul héritier direct de Louis XIV en France, meurt lui aussi,  : ce sera la guerre parce que le roi d'Espagne pourra prétendre légitimement à la Couronne de France, même s'il y a renoncé par écrit, parce que les lois fondamentales du royaume interdisent de renoncer à la Couronne, et parce qu'il ne laissera pas la famille d'Orléans, issue de Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV, prendre le trône. Pour éviter cela, il faut que le jeune roi soit en bonne santé et surtout qu'il aie des enfants. On va donc décider de le marier. 

 

Louis XIV pose en 1710 avec son fil, le Dauphin (debout et blond), son petit fils, le duc de Bourgogne, et son arrière petit fils le duc de Bretagne, frère ainé du futur Louis XV. Aucun d'eux ne survivra au roi. Ils sont emportés dans les 5 années suivantes, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=153698

Louis XIV pose en 1710 avec son fil, le Dauphin (debout et blond), son petit fils, le duc de Bourgogne, et son arrière petit fils le duc de Bretagne, frère ainé du futur Louis XV. Aucun d'eux ne survivra au roi. Ils sont emportés dans les 5 années suivantes, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=153698

 

 

Un mariage précipité 

 

Dans un premier temps, la politique prend pourtant le dessus. Le régent, Philippe d'Orléans, décide de fiancer le jeune Louis XV à Marie-Anne-Victoire d'Espagne (1718-1781). Le roi a 11 ans, et la future reine 3 seulement. Autant dire que les enfants ne sont pas pour demain. Louis XV pleure beaucoup à l'annonce de la nouvelle. Il ne parle pas à sa future femme quand elle arrive à Paris, confiée à la Cour de France par la Cour d'Espagne pour qu'elle y soit elevée en attendant d'être en état d'épouser réellement le jeune roi. A la jeune future reine, on fait croire que le silence du roi est une preuve d'affection et qu'il ne parle pas quand il aime quelqu'un. Un jour, à un courtisan auquel le roi n'adresse pas un regard parce qu'il est en disgrace, la jeune enfant dire "le roi vous aime beaucoup, il ne vous a pas du tout parlé". Pourquoi un mariage avec autant d'écart et au moins 12 ans d'attente pour avoir un héritier ? La politique ! Le Régent a réussi à placer l'une de ses filles, qui est allé épouser le futur roi d'Espagne en échange du mariage du roi. Tout va changer avec la mort du Régent en 1723 au sortir d'un de ces soupers fins dont il avait le secret. 

 

Louis XV (1710-1774) est le seul descendant français de Louis XIV. Il faut le marier et qu'il aie des enfants sinon la France deviendra espagnole. Source Monsieurdefrance.com : wikipedia.

Louis XV  en 1721, (1710-1774) est le seul descendant français de Louis XIV. Il faut le marier et qu'il aie des enfants sinon la France deviendra espagnole. Source Monsieurdefrance.com : wikipedia.

 

 

Des indigestions pour cause de mariage 

 

En 1723, le duc de Bourbon devient premier ministre de fait du jeune roi Louis XV. Il est petit fils de Louis XIV par la main gauche (sa mère était une des filles du roi avec sa maîtresse la marquise de Montespan) et du Grand Condé par son père. Laid, boiteux, borgne, il est pourtant l'objet de tous les soins de sa maîtresse, la marquise de Prie, qui cherche pour lui une femme à épouser. Une femme qui sera discrète et qui, de petite extraction, n'aura pas d'autre choix que d'accepter que Madame de Prie soit non seulement présente dans la vie du prince mais aussi qu'elle dirige sa Maison. Son choix se porte sur Marie, la fille de Stanislas. Fille de roi, même élu c'est un roi tout de même, et bien pauvre puisqu'elle vit dans une maison bourgeoise en Alsace des subsides que la France veut bien accorder à son père en exil. On commence des pour-parlers avec Stanislas. Sauf que le mariage ne se fera pas. En effet la santé du jeune roi donne des inquiétudes. 

 

Louis XV en 1723, 2 ans avant son mariage. Tableau par Jean-Baptiste van Loo / Image choisie par monsieurdefrance.com :  GAH85hB-TeU40w — Google Arts & Culture, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=13397810

Louis XV en 1723, 2 ans avant son mariage. Tableau par Jean-Baptiste van Loo / Image choisie par monsieurdefrance.com :  GAH85hB-TeU40w — Google Arts & Culture, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=13397810

 

En effet, Louis XV, 13 ans, est très sportif. Il passe des heures à chasser à cheval. Et l'époque considère que le sport est très mauvais pour la santé. Pierre CHIRAC (1657-1732) n'est pas loin de penser qu'un tel régime sportif peut tuer le roi. Et si le roi meurt avant d'avoir des enfants, la guerre peut survenir. A propos de régime, ce qui décide finalement le duc de Bourbon, c'est une indigestion. Doté du très bon appétit des Bourbon (Louis XIV avait un appétit d'ogre), Louis XV tombe malade en 1725. Une indigestion, qui le cloue au lit, et qui inquiète les médecins. Et on voit le duc de Bourbon errer dans les couloirs de Versailles, très inquiet pour le roi et donc pour sa place de ministre. "C'est décidé on ne m'y reprendra plus !" aurait il dit. Ce qui est sûr c'est que, même le roi gueri et reparti chasser, le Duc de Bourbon décide de tout changer. Il annule les fiançailles du roi avec la jeune infante d'Espagne qui est renvoyée chez elle. Très appréciée parce que très gentille, on lui dit simplement que ses parents veulent la revoir, et la petite, âgée de 7 ans, prend la direction de Madrid. Elle épousera finalement un roi du Portugal. On passe a deux doigts de la guerre avec l'Espagne qui rompt toutes relations diplomatique (elle reviendra en arrière, bien forcée, puisque sans allié). Et on se met à chercher une femme pour le roi.

 

 

Une femme pour avoir des enfants tout de suite. 

 

La marquise de Prie serait à l'origine de la proposition de faire de Marie la femme de Louis XV. Image choisie par monsieurdefrance : d'après Carl Van LOO via wikicommons / wikipedia.

La marquise de Prie serait à l'origine de la proposition de faire de Marie la femme de Louis XV. Image choisie par monsieurdefrance : d'après Carl Van LOO via wikicommons / wikipedia.

 

Ce qui est sûr c'est que la future reine doit être en état d'avoir des enfants tout de suite. On dresse donc une liste. Elles sont 98 et on dit que Madame de Prie fait ajouter Marie Lezscksinska a la dernière minute. 99 princesses qui pourraient epouser Louis XV donc. Et on fait, devant le jeune roi, l'inventaire des prétendantes et on procède par élimination. On élimine celles qui ne sont pas catholique ou dont la conversion au catholicisme serait compliquée. On élimine les Françaises, parce que ce serait trop elever une famille française. On élimine celles avec lesquelles ont est en froid. Et le choix commence a être compliqué. Et on commence à voir Marie d'un oeil neuf. Après tout, même si sa famille est de petite noblesse comparée au roi de France et à toutes les grandes familles de Versailles, même si son père est détrôné et pauvre, et même s'il a été élu, ce qui rend son titre moins fort à une époque où tout tient par la naissance, Marie est tout de même fille de roi. Et comme son père ne règne pas, la France ne risque pas d'être entraînée par une guerre au cas où le pays d'origine de la reine, et donc allié à la France, entrait en conflit comme c'est souvent le cas au 18e siècle. S'il recouvrait son trône, on ne sait jamais, la France retrouverait un allié de toujours : la Pologne, qui constitue une excellente menace sur les arrières de l'ennemi héréditaire, la famille de Habsbourg qui règne sur l'Autriche et le Saint Empire. Certes, Marie a 25 ans, c'est l'âge limite à l'époque pour se marier, et on la trouve presque vieille. Elle a une santé de fer, montant à cheval avec son père, bon teint (on est allé vérifié discrètement) elle est cultivée (mais on s'en fout à Versailles) elle est disponible puisque Stanislas a refusé qu'elle épouse un certain marquis de Courtanvaux qu'il ne trouvait pas assez haut pour elle et pour lequel il exigeait un titre de duc pour imaginer un mariage (impossible donc), le duc de Bourbon aurait pu l'épouser mais il préfère parer au plus urgent : le roi doit être père bientôt et elle peut avoir des enfants tout de suite. La décision est finalement prise. Un messager est envoyé en Alsace. 

 

 

"Ma fille vous êtes reine de France" 

 

Le centre historique de Wissembourg en Alsace. Photo choisie par monsieurdefrance.com : DaLiu via depositphotos.

Le centre historique de Wissembourg en Alsace ou vivait Stanislas au moment où il a apprit le mariage de sa fille avec Louis XV. Photo choisie par monsieurdefrance.com : DaLiu via depositphotos.

 

C'est lors d'une chasse, alors qu'il se promène en calèche dans la campagne Alsacienne que Stanislas voit arriver un messager à cheval qui lui tend deux lettres, l'une du duc de Bourbon, l'autre du ministre des affaires étrangères. Stanislas se dit alors que le mariage de sa fille avec le Duc de Bourbon, en tractation depuis quelques mois, était proche d'avoir lieu. Il ouvre donc d'abord la lettre du duc, la lit, se lève, puis s'évanouit dans la calèche. Ranimé quelques instants plus tard, il se rue chez lui, gravit les escaliers quatre-à-quatre et ouvre la porte de la chambre de sa fille. Dans la pièce, Marie et sa mère, Catherine, font des travaux d'aiguilles. Le roi s'esclame alors "Ma fille ! Tombons à genou et remercions Dieu !". Marie lui dit alors  "mon père ? Seriez vous rappelé au trône de Pologne ?" réponse de Stanislas : "non ma fille, le Ciel nous accorde mieux encore : vous êtes reine de France !". 

 

 

Le mariage de Cendrillon 

 

Le mariage de Louis XV et Marie Leszckzinska vu par une gravure d'époque. Source de Monsieurdefrance.com : Gallica.fr / BNF

Le mariage de Louis XV et Marie Leszckzinska vu par une gravure d'époque. Source de Monsieurdefrance.com : Gallica.fr / BNF

 

C'est véritablement un conte de fée que ce mariage. Qu'on y songe : l'un est roi et riche, l'autre est princesse et pauvre. Louis XV règne sur le plus grand pays d'Europe. De loin le plus peuplé, avec 25 000 000 d'habitants, quand la Grande Bretagne en compte péniblement 10 000 000. La France est l'arbitre de l'Europe. Versailles fait rêver les monarchies. Paris est déjà la ville lumière. Marie, elle, n'a quasiment rien. Même pas une paire de chaussures à la hauteur pour sa reception à Strasbourg par le Cardinal de ROHAN en vue de son mariage. On doit littéralement tout lui acheter. Depuis Versailles, on lui envoie des bijoux. Sur place on réalise des robes, son trousseau.  A Paris, la nouvelle fait du bruit et les Français sont en colère. Marie ne leur parait pas digne d'un roi de France, encore moins de ce jeune roi de 15 ans adulé par Paris. On la trouve trop pauvre. On trouve son père pas assez roi. On fait des libelles. On critique. Certains affirment même que Marie a les pieds palmés. Les attaques contre son physique et sa santé son si nombreuses que Versailles fait discrètement envoyer des medecins pour s'assurer de la santé et des formes de la future reine. Elisabeth Charlotte, duchesse de Lorraine et nièce de Louis XIV résume bien ce que pense la Cour de Versailles en écrivant « J'avoue que pour le Roi, dont le sang était resté le seul pur en France, il est surprenant que l'on lui fasse faire une pareille mésalliance et épouser une simple demoiselle polonaise, car […] elle n'est pas davantage, et son père n'a été roi que vingt-quatre heures. ».
 

 

Marie en 1726, un an après son mariage. Reine de France. Image choisie par Monsieurdefrance.com : Tableau Par François Stiémart/ D’après Jean-Baptiste van Loo/ anciennement attribué à Pierre Gobert/ Maurice-Quentin de La Tour Château de Versailles. http://forum.alexanderpalace.org/, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=11861590

Marie en 1726, un an après son mariage. Reine de France. Image choisie par Monsieurdefrance.com : Tableau Par François Stiémart/ D’après Jean-Baptiste van Loo/ anciennement attribué à Pierre Gobert/ Maurice-Quentin de La Tour Château de Versailles. http://forum.alexanderpalace.org/, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=11861590

 

Méré, envoyé par Versailles, rassure la cour en écrivant "Elle a le teint beau, coloré, l'eau fraîche et quelquefois l'eau de neige faisant tout son fard [...]. Elle se lève, l'hiver, entre 8 et 9 herues, se met en toilette et se rend ensuite dans l'appartement de la reine sa mère. elle entend la messe avec toute la famille. Elle parle allemand, fort bien française, sans accent [...] elle a l'esprit souple, qui prendra la forme et la figure qu'on voudra". Voilà un portrait assez exact. Marie est cultivée, intelligente, pratiquante et d'une bonté qui va conquérir le coeur des français au point d'en faire l'archetype de la reine de France ; discrète, élégante, généreuse. C'est à elle que les premières dames de France de notre époque doivent ce rôle d'être des figures de la mode de leur époque et d'être à la tête d'associations caritatives. 

 

La chapelle du Château de Fontainebleau où a eu lieu le mariage de Louis XV et de de Marie Lezckzinska en 1725. Photo choisie par monsieurdefrance.com : isogood via depositphotos.

La chapelle du Château de Fontainebleau où a eu lieu le mariage de Louis XV et de de Marie Lezckzinska en 1725. Photo choisie par monsieurdefrance.com : isogood via depositphotos.

 

Une première cérémonie à lieu dans la Cathédrale de Strasbourg, noire de monde, le 15 août 1725, jour de l'Assomption et jour choisi par Marie. La reine part ensuite pour Fontainebleau où aura lieu la cérémonie en présence du roi. Le trajet est épouvantable pour l'immense caravane de carosses et de charrettes qui transporte la reine et ses meubles et qui traverse l'Est de la France. Il pleut des torrents d'eau, au point que le carrosse de la reine verse dans un fossé et qu'on est obligé de la tirer par les bras pour l'en sortir. Les dames d'honneurs déménagent l'argenterie d'un fourgon pour se mettre à sa place et avoir les pieds au sec et le confort de la paille plutôt que les carrosses gorgés d'eau. Tout le monde fait la tête, sauf Marie qui en a vu bien d'autres en Pologne quand elle fuyait devant les armées du concurrent de son père.

 

Louis XV en costume de sacre en 1730. Il a 20 ans. Image choisie par monsieurdeFrance.com : talbleau Hyacinthe Rigaud — Source inconnue, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1751541

Louis XV en costume de sacre en 1730. Il a 20 ans. Image choisie par monsieurdeFrance.com : talbleau Hyacinthe Rigaud — Source inconnue, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1751541

 

La Reine arrive à Fontainebleau quand la pluie cesse de tomber. On jette un tapis devant elle pour qu'elle marche au sec. Le roi approche. Elle va pour se mettre a genoux mais il la retient. Il est heureux. Elle aussi. Le mariage est célébré le lendemain. Il faudra plusieurs heures de préparation pour parfaire la tenue de la reine, extrêmement lourde, et qu'elle soutiendra pourtant sans faillir. Louis XV, impatient, fait accélérer les choses. On procède à la cérémonie du coucher. Un beau mariage donc et, le duc de Bourbon l'écrit à Stanislas quelques jours plus tard, il est consommé puisque le jeune Louis XV a "donné 7 preuves de tendresse à la reine dans la nuit". Leur mariage sera prolifique puisque Louis XV et Marie Leszczynska auront 10 enfants, dont des jumelles. 7 d'entres eux atteindront l'âge adulte. 

 

Mission accomplie. Après plusieurs filles, Marie accouche du Dauphin en 1729.. Image choisie par Monsieurdefrance.com.  Tableau par Alexis Simon Belle — http://www.photo.rmn.fr/LowRes2/TR1/V3I0G/89-000310-02.jpg, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=424438

Mission accomplie. Après plusieurs filles, Marie accouche du Dauphin en 1729.. Image choisie par Monsieurdefrance.com.  Tableau par Alexis Simon Belle — http://www.photo.rmn.fr/LowRes2/TR1/V3I0G/89-000310-02.jpg, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=424438

 

 

Et Chambord pour Stanislas 

 

Pour Stanislas, on décide que le beau-père du roi de France ne peut pas rester dans sa maison alsacienne et on décide de lui offrir le Château de Chambord. L'immense château de François 1er avec ses 365 fenêtres. Cadeau empoisonné d'ailleurs puisque les marais qui entourent la demeure royale sont des nids à moustiques et que la malaria fait des ravages en Sologne. Plusieurs membres de la cour en exil de Stanislas seront touchés par la maladie et certains en mourront. Stanislas a 48 ans. Il reprend son train-train quotidien, venant à Versailles une fois par an pour féliciter sa fille de ses accouchements. Il lit, il écrit. Sa femme ronchonne. Sa mère, Anna, se donne machinalement des indigestions. On s'occupe comme on peut. Mais une fois encore, le destin rattrape Stanislas. La Pologne revient à la une de l'actualité. Pourquoi ? Parce que Auguste II, son concurrent et ennemi de toujours, est mort. La Couronne de Pologne est de nouveau libre... 

 

 

Le château de Chambord. Photo choisie par monsieurdefrance.com : shutterstock. 

 

 

 

Stanislas Duc de Lorraine : réussir à 60 ans. 

 

Stanislas à l'âge de 63 ans. Gravure. Source de Monsieurdefrance.com : Limedia.fr https://galeries.limedia.fr/ark:/31124/dc1207mj4l7z7g81/

Stanislas à l'âge de 63 ans. Gravure. Source de Monsieurdefrance.com : Limedia.fr https://galeries.limedia.fr/ark:/31124/dc1207mj4l7z7g81/

 

 

Stanislas à la reconquête de son trône perdu. 

 

Qui a dit qu'une vie était finie après 60 ans ? Pas Stanislas, qui repart tenter la Providence en 1733. L'objectif c'est de reconquérir son trôle, perdu 24 ans plus tôt. Il faut dire que son concurrent est "enfin" décédé. Auguste II, mort, le trône est disponible même si le fils de Auguste compte bien devenir roi de Pologne à son tour et que les russes ont leur candidat. La France soutient Stanislas dans ses prétentions. Il faut dire qu'on ne s'est jamais vraiment remis d'avoir pour reine la fille d'un roi sans couronne. Le pari est très risqué pour Stanislas qui risque littéralement sa vie, les russes ou les polonais fidèle au roi de Saxe ne le rateront pas s'il est pris. Et la prison serait la possibilité la plus douce dans ce cas. C'est ce danger qui explique les larmes de Marie, sa fille, quand il vient la saluer une dernière fois à la cour de Versailles en juillet 1733. Il est accueilli en grande pompe et c'est toujours en grand équipage qu'il se rend à Brest pour embarquer sur un navire à destination de la Pologne. Un départ très peu discret donc. Et c'est voulu...

 

 

Un déguisement de plus pour Stanislas. 

 

Le port de Brest au 18e siècle Par Louis-Nicolas Van Blarenberghe. Image choisie par monsieurdefrance.com via wikipedia/Wikicommons.

Le port de Brest au 18e siècle Par Louis-Nicolas Van Blarenberghe. Image choisie par monsieurdefrance.com via wikipedia/Wikicommons.

 

Dans le navire à destination de Brest, on l'appelle "la redingote", tellement on le voit peu et de loin. Un homme un peu fort, qui ne sort que sur la hune arrière pour se promener et qui rentre dans sa cabine aussitôt après. Le petit contingent de soldats embarqué avec Stanislas a fini par surnommer le roi Stanislas "la redingote" à force de ne distinguer que sa tenue au loin. Le navire va lentement, en se méfiant des bateaux anglais, toujours capables de l'arraisonner tant les anglais se sont (déjà) mis en tête d'être seuls a décider qui peut voguer sur les mer et qui ne peut pas. Le navire continue son bonhomme de chemin vers la Pologne pendant que, par les terres, et c'est beaucoup plus rapide, un petit carrosse transporte aussi vite que possible un commerçant et son valet. Un valet un peu fort, qui parle peu quand on lui parle et qui parvient en quelques semaines seulement à Varsovie. C'est en fait ce petit carrosse, discret, qui transporte Stanislas, le vrai... La feinte lui a permis de gagner la Pologne plus vite et beaucoup plus rapidement tandis qu'un sosie, le chevalier de TIHANGE, prenait sa place en pleine lumière pour faire croire à son départ par bateau. Le vrai Stanislas, lui, est parti dans l'autre sens, déguisé en valet du Comte d'Andlau, un fidèle de sa fille. Et c'est donc sain et sauf, et content d'avoir fait une sacrée surprise, que Stanislas fait son entrée dans Varsovie où les nobles polonais sont rassemblés pour élire le roi. Les 50 000 électeurs l'ont proclamé roi 4 jours après son arrivée, soit le 12 septembre 1733. Il a recu les clés de la ville, pris possession du Palais royal avant d'aller entendre une messe d'actions de grâces en la cathédrale. Le 2e règne de Stanislas commence. Il va durer.... 10 jours. 

 

 

Le siège de Dantzig.

 

La ville de Dantzig devenue Gdansk en Pologne. Photo choisie par monsieurdefrance.com: Patryk_Kosmider via depositphotos.

La ville de Dantzig devenue Gdansk en Pologne. Photo choisie par monsieurdefrance.com: Patryk_Kosmider via depositphotos.

 

C'est que les prussiens, les russes et les autrichiens sont bien décidés à imposer leur candidat, à savoir le fils de Auguste II, Frédéric-Auguste de Saxe (1696-1763). Bien plus proches et plus motivés que les Français, les russes alignent 20 000 hommes qui arrivent à Varsovie et imposent l'élection de Frédéric-Auguste qui devient Auguste III de Pologne en janvier 1734.

 

Auguste III roi de Pologne s'impose finalement face à Stanislas. Ce qui est amusant c'est que sa fille épousera le petit fils de Stanislas, le Dauphin de France, et que c'es de ce mariage que naitront Louis XVI, Louis XVIII et Charles X rois de France. Portrait choisi par Monsieurdefrance.com :  Par Raphaël Mengs — www.kunstkopie.de, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7303625

Auguste III roi de Pologne s'impose finalement face à Stanislas. Ce qui est amusant c'est que sa fille épousera le petit fils de Stanislas, le Dauphin de France, et que c'es de ce mariage que naitront Louis XVI, Louis XVIII et Charles X rois de France. Portrait choisi par Monsieurdefrance.com :  Par Raphaël Mengs — www.kunstkopie.de, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7303625

 

Stanislas, lui, est obligé de s'enfuir et il se réfugie à Dantzig qui est aussitôt assiégée par les russes. La ville est bombardée mais elle tient le coup (à la grande surprise de Stanislas, pas aristocrate pour rien, et persuadé que de simples marchands n'auraient pas de courage, comme si le courage était réservé aux nobles...). La France déclare la guerre à l'Autriche au nom de l'insulte faite au beau-père du roi et elle attaque l'Autriche, comme toujours, à travers les Pays-Bas autrichiens (la Belgique d'aujourd'hui). D'autres troupes partent à travers le Saint Empire Romain Germanique et l'Italie. A Versailles, le cardinal de Fleury, premier ministre de Louis XV, n'a pas du tout l'intention d'aider Stanislas plus que ça. Il se fait cependant tirer l'oreille et envoie une escadre de 3 navires et quelques centaines d'hommes pour aller soutenir le roi de Pologne. L'escadre passe par Copenhague où elle reçue par le Comte de Plélo, ambassadeur de France au Danemark. Si peu d'hommes et donc si peu d'honneur français le mettent dans une colère terrible.

 

La mort du Comte de Plélo en 1734 vue par Paul Philippoteaux au 19e siècle. Source de Monsieurdefrance.com : Wikicommons / Wikipedia.

La mort du Comte de Plélo en 1734 vue par Paul Philippoteaux au 19e siècle. Source de Monsieurdefrance.com : Wikicommons / Wikipedia.

 

Louis de Bréhan, comte de Plélo (1699-1734) est ambassadeur de France auprès du Danemark. Grand intellectuel, il est passionné de littérature (la Bibliothèque Nationale de France lui doit la plus grande partie de ses collections d'oeuvres du Nord) et de science (il fait des expériences chimiques avec sa femme et manque même de périr plusieurs fois à cause d'explosions). C'est aussi le petit neveu de Madame de Sévigné, dont il a l'esprit mordant d'ailleurs. Et cet homme là est abasourdi de voir le peu de cas que Versailles fait de Stanislas. Il estime déshonorant le petit convoi militaire censé aider Dantzig à soutenir le siège russe. Il se démène pour trouver plus d'armes et plus de munitions et, contrairement à ses ordres, il s'engage même auprès des militaires, les forçant à retourner à Dantzig alors que, jugeant la partie perdue d'avance, et n'ayant pas l'ordre de Versailles d'intervenir, ils comptaient repartir pour Brest. Plélo prend les choses en main et ramène tout le monde à Dantzig. Il se lance même à l'assaut des troupes russes, en première ligne. Cela lui coûtera la vie. Son corps est rendu aux français quelques heures après la bataille, criblé de coups de baionnettes. Il s'est battu pour rien, puisqu'il était sûr de perdre le combat, et même de mourir, mais il est mort pour l'honneur de la France. L'imératrice Anne 1ère de Russie ne s'y trompe d'ailleurs pas. Elle accroche le portrait du comte dans sa chambre. C'est le premier officier Français de l'histoire à tomber sous les balles russes. En France, sa veuve, Louise, qu'il surnommait "le chat" meurt de tristesse quelques années plus tard (ils étaient très amoureux) laissant une orpheline. 

 

 

La fuite de Stanislas

 

Pour Stanislas la situation est terrible. Réfugié dans l'ambassade de France, hors de portée des canons russes, il sait que s'il est pris, il va mourir puisque les russes ont mis sa tête à prix. Il faut donc s'enfuir. Impossible par la mer. Impossible de faire une sortie militaire. On choisi donc... Le déguisement. Stanislas l'a déjà fait deux fois dans sa vie et cette fois-ci sera la dernière. On déguise le roi en petit commerçant et il quitte l'ambassade en catimini avant de revenir sur ses pas. Il lui faut des bottes usées, les siennes sont trop neuves, on va le repérer. On vole donc des bottes à un soldat français completement saoul et le roi sort de la ville. Il lui faudra plusieurs jours pour sortir du réseau inextricables de chemin marécageux qui entoure Dantzig à l'époque. Manquant d'être pris plusieurs fois (il se retrouve perché dans le haut d'une grange alors que des soldats russes fouillent le bas), reconnu mais jamais dénoncé par les polonais, il réussi au péril de sa vie à gagner les terres du roi de Prusse, à l'arrière d'une charrette, le 27 juin 1734. 

 

Gravure du Siège de Dantzig / Image choisie par monsieurdefrance.com : Par anonymous plate — http://www.zwoje-scrolls.com/zwoje43/text12p.htm, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2454454

Gravure du Siège de Dantzig / Image choisie par monsieurdefrance.com : Par anonymous plate — http://www.zwoje-scrolls.com/zwoje43/text12p.htm, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2454454

 

A Paris on rigole. On lit dans les rues des libelles comme celui-ci "Est-il roi, ne l'est-il pas, ce prince qu'on déplore ? Fuit-il ? Va-t-il au combat ? C'est ce qu'on ignore. Où est ce pauvre Stanislas ? Le verrons nous encore ?".  A Versailles, Marie et sa mère, Catherine, sont bourrelées d'angoisse au point qu'on a fabriqué une fausse gazette à l'intention de la Reine. Une gazette qui ne contient que de fausses nouvelles rassurantes pour qu'elle ne s'inquiète pas, elle qui est enceinte. A Koenigsberg, le roi Frédéric-Guillaume tente d'abord de vendre Stanislas aux russes contre quelques terres avant de changer d'avis et de le traiter aussi royalement que possible pour faire plaisir à la France avec laquelle il se réconcilie. Il faut dire que les deux bonhommes s'entendent bien. Ils ont bon appétit et, entre deux cruches de bière, il discutent. Frédéric-Auguste a une idée pour Stanislas : la Pologne c'est foutu. Alors pourquoi pas la Lorraine ? 

 

 

Un mariage d'amour.

 

Le duc François Etienne de Lorraine et de Bar et son épouse Marie-Thérèse d'Autriche en 1747. Photographie choisie par monsieurdefrance.com : Franz Karl Palko — Photographie personnelle im Heeresgeschichtliches Museum von Pappenheim, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=17734702

Le duc François Etienne de Lorraine et de Bar et son épouse Marie-Thérèse d'Autriche en 1747. Photographie choisie par monsieurdefrance.com : Franz Karl Palko — Photographie personnelle im Heeresgeschichtliches Museum von Pappenheim, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=17734702

 

Quittons un moment la Pologne pour filer en Autriche. En 1734, le duc de Lorraine vit à Vienne. François III Etienne duc de Lorraine et de Bar (1708-1765) est né au château de Lunéville. C'est le 9e et l'un des rares enfants survivants du couple formé par le Duc Léopold 1er le Grand (1679-1729) et la duchesse Elisabeth-Charlotte d'Orléans (1676-1744) fille de "Monsieur", Philippe d'Orléans le frère de Louis XIV. Léopold a littéralement reconstruit ses duchés de Lorraine et de Bar durement éprouvé par la guerre de 30 ans et occupés par la France pendant près de 60 ans. Il les a récupéré par la Paix de Ryswick en 1697 et a même du les repeupler tant la guerre et la peste ont fait de victimes (on parle d'un lorrain sur deux mort au 17e siècle). Léopold, qui a fait de son duché un état florissant, a repris la politique qui a permis à la Lorraine de rester indépendante : un mariage à gauche, un mariage à droite, autrement dit un mariage côté France et un mariage côté Allemagne. Ayant épousé une française, il a placé son fils à Vienne auprès de son cousin l'Empereur d'Autriche pour qu'il ait l'éducation qui convient à un prince souverain. Et l'amour a fait son oeuvre. Marie-Thérèse (1717-1780) fille de l'Empereur, est tombée amoureuse du jeune François de Lorraine. Et ils veulent se marier en 1734 alors que François est devenu duc de Lorraine et de Bar à la mort de son père en 1729. Mariage impossible puisque la France ne supporterait pas que la Lorraine devienne autrichienne par le mariage de son duc, ce qui en ferait un canon autrichien fiché en pleine terre de France. La situation, bloquée jusque là, pourrait bien être débloquée par les déboires de Stanislas en Pologne. Et pourquoi pas terminer cette guerre par un mariage et pas un viager ? 

 

Le couple impérial et ses enfants. Ils sont les parents de Marie-Antoinette qui épousera Louis XVI l'arrière petit-fils de Stanislas. Tableau choisi par monsieurdefrance.Com  Martin van Meytens — [1], Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1619608

Le couple impérial et ses enfants. Ils sont les parents de Marie-Antoinette qui épousera Louis XVI l'arrière petit-fils de Stanislas. Tableau choisi par monsieurdefrance.Com  Martin van Meytens — [1], Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1619608

 

 

Stanislas devient duc de Lorraine et de Bar 

 

Cette idée du viager est peut être dûe à Frédéric-Auguste de Prusse ou peut être au cardinal de Fleury, qui, d'après certains historiens aurait prévu tout ça et n'aurait soutenu Stanislas que pour qu'il se plante et accepte de prendre la Lorraine, mais rien n'est moins sûr. En tous cas, c'est ce qui va solutionner la situation européenne et mettre la fin à la guerre de Succession de Pologne. Il est convenu que François III Etienne de Lorraine et de Bar épouse Marie-Thérèse d'Autriche (un mariage heureux et prolixe de 16 enfants !) et qu'il reçevra le grand-duché de Toscane à la mort du dernier des Médicis (ce qui sera le cas le 9 juillet 1737). En échange, il donne les duchés de Lorraine et de Bar à Stanislas. A la mort de Stanislas, ils reviendront à la Couronne de France puisque le roi n'a que Marie comme héritière. Pour la France, c'est une excellente opération puisqu'elle peut enfin mettre la main légalement sur la riche Lorraine et faire la jointure avec l'Alsace conquise au 17e par Louis XIV. En 1737, après plus de 3 ans de guerre, la convention de Meudon est signée. Stanislas se laisse convaincre d'accepter. Il écrit à sa fille "à défaut de la Pologne je conviens avec vous que la Lorraine est la seule chose que je peux accepter" (ces gens là vous parlaient d'un duché comme on parlerait d'une voiture...).  La guerre de Succession de Pologne se termine en 1737, au moment où le règne de Stanislas en Lorraine commence. 

 

 

Roi fantôche puis aimé. 

 

Stanislas par Jean GIRARDET (milieu du 18e siècle). Image choisie par monsieurdefrance via Wikicommons / Wikipedia.

Stanislas selon une gravure de 1740 Image choisie par monsieurdefrance via Limedia.fr. 

 

Les Lorrains suprennent toute l'Europe en réagissant très mal à la nouvelle. Cela surprend parce qu'on n'a pas du tout l'habitude d'écouter les peuples au 18e siècle et que personne ne s'est demandé ce que les Lorrains pensaient de cette idée de leur coller un nouveau duc n'ayant aucun rapport avec eux. Ils sont très nombreux à suivre le carrosse de Elisabeth Charlotte, la mère de François III de Lorraine, quand elle quitte le château de Lunéville pour celui de Commercy, qui a été érigé en principauté pour qu'elle ne vive pas sous le règne de Stanislas. C'est là qu'elle meurt en 1744. A Nancy, quand Stanislas arrive, l'accueil est glacial. Le duc François a pris la convention de Meudon au mot. Il n'a absolument rien laissé. Aucun meubles. Stanislas est obligé de dormir quelques semaines dans l'hôtel particulier de la Famille de Beauvau à Nancy (l'actuelle cours d'Appel de Nancy) en attendant qu'on aménage le château de Lunéville complètement vide. Même la frise de plomb du toit du palais ducal a été démontée. Il ne reste rien.

 

Stanislas fait de Antoine de la Galaizière son chancelier. Tableau par Jean Girardet. Image choisie par monsieurdefrance via Limedia.fr. 

Stanislas fait de Antoine de la Galaizière son chancelier. Tableau par Jean Girardet. Image choisie par monsieurdefrance via Limedia.fr. 

 

Stanislas a aussi du accepter de n'être qu'un duc sans pouvoir. En effet, la France ne veut pas qu'il se considère comme souverain de plein exercice et elle veut commencer à mettre le duché de Lorraine à l'heure du royaume de France. On a donc imposé une sorte de préfet au roi, lui laissant la possibilité de lui donner le titre qu'il veut. L'homme s'appelle Antoine Martin Chaumont de la Galaizière. Il reçevra le titre de chancelier et partagera le pouvoir avec Stanislas (et la maitresse du roi aussi, la marquise de Boufflers). Le roi est doté d'une confortable liste civile qui lui permet de se faire plaisir en bâtissant beaucoup et, aussi, en mettant des choses en place à destination de ses sujets, comme des ateliers de charités pour pourvoir les pauvres de travail et donc de revenus pour pouvoir manger. Détesté des Lorrains à son arrivée, il est unanimement regretté 30 ans plus tard, à sa mort en 1766. Un long règne, alors que tout le monde pendait que, Stanislas ayant dépassé 60 ans, il ne règnerait quelques années. Le viager réserve parfois des surprises au futur propriétaire... 

 

La Place Stanislas. Nancy doit ce qu'elle est aujourd'hui au "bon roi Stanislas" qui trône sur la plus belle place du monde. Photo choisie par monsieurdefrance.com : Shutterstock.

La Place Stanislas. Nancy doit ce qu'elle est aujourd'hui au "bon roi Stanislas" qui trône sur la plus belle place du monde. Photo choisie par monsieurdefrance.com : Shutterstock.

 

Stanislas meurt le 20 février 1766 par accident. Très âgé (88 ans), assis seul devant sa cheminée, n'y voyant plus guère (quand il pèche, des serviteurs qui l'aiment beaucoup plongent pour accrocher des poissons à son hameçon puisqu'il ne les voit pas), le roi porte la chemise de nuit bien chaude que Marie, sa fille, lui a offerte. Il se penche vers la cheminée pour y puiser un tison pour ranimer sa fameuse chibouque, la longue pipe qu'il a pris l'habitude de fumer 40 ans plus tôt quand il était prisonnier en Moldavie. Il ne voit pas que, trop près des flammes, sa robe de chambre prend feu. C'est plus tard qu'il comprend, se lève pour éteindre et appeler, et tombe dans le brasier qui le réchauffait. Il meurt une semaine plus tard non sans un dernier mot d'esprit. Regardant une servante qui le soignait, il lui dit "madame, fallait il que je brûle d'un pareil feu pour vous ?". Il repose en l'Eglise Notre Dame de Bonsecours, qu'il a fait reconstruire entièrement en 1737 pour être son tombeau. A Nancy donc, qu'il a rendu superbe avec l'ensemble de trois places qui est né de sa volonté, qui est classé Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'UNESCO et dont le fleuron, la Place Stanislas, porte son nom depuis 1831.

Jérôme Prod'homme

Jérôme Prod'homme

Jérôme est "monsieur de France" l'auteur de ce site.